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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 34

Le jeudi 7 avril 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 7 avril 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le système bancaire ouvert

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, le 22 mars, le ministre associé des Finances, Randy Boissonnault, a annoncé qu’Abraham Tachjian se verrait confier le dossier du système bancaire ouvert au Canada. Sa tâche consistera à diriger l’établissement d’un système bancaire ouvert qui donnera aux Canadiens un plus grand contrôle sur leurs données financières et un accès aux outils nécessaires pour profiter de ces données. Ce sont d’excellentes nouvelles.

Cette semaine, Pollara Strategic Insights a publié les résultats d’un sondage détaillé qui avait comme objectif de découvrir ce que pensent les Canadiens du système bancaire traditionnel et des nouveaux produits de technologie financière. Selon les résultats du sondage, 84 % des consommateurs et des propriétaires de petites entreprises trouvent que les frais bancaires sont trop élevés, et plus de 50 % se disent stressés lorsqu’ils font affaire avec les banques. Pour les Canadiens marginalisés, ce stress peut être encore plus grand. Cela explique peut-être que plus des deux tiers des Canadiens ont dit à Pollara qu’à leur avis, une plus grande concurrence permettrait d’avoir un plus grand choix de produits et des frais moins élevés. Parmi ceux qui se servent déjà des nouveaux produits de technologie financière, 91 % disent qu’ils sont conviviaux, 82 % aiment les frais réduits et 73 % estiment que ces produits les aident à économiser de l’argent.

Pour leur part, les grandes banques canadiennes ont augmenté certains frais en pleine pandémie. Par exemple, une banque en particulier a porté les frais de transaction sur les comptes chèques de 1,25 $ à 1,95 $ par transaction, sans pour autant améliorer le service correspondant. En fait, c’est tout le contraire. Le dépôt minimal exigé pour éviter de payer des frais bancaires est passé de 2 000 $ à 5 000 $. Cette politique de prix nuit particulièrement à la santé financière des gens qui sont déjà marginalisés. Par ailleurs, elle augmente considérablement les profits des banques. Le Centre canadien de politiques alternatives vient d’annoncer que, pour l’exercice 2021, les profits des cinq grandes banques avaient augmenté de 40 % par rapport à la moyenne d’avant la pandémie enregistrée en 2018-2019. Cette augmentation est six fois supérieure au taux d’inflation. Par surcroît, les PDG de ces cinq grandes banques ont bénéficié d’une augmentation moyenne de 23 % de leurs revenus personnels en 2021. Cette augmentation équivaut à près de quatre fois le taux d’inflation. Dans quelques heures, le gouvernement du Canada imposera peut-être aux banques canadiennes une charge fiscale sur les profits excessifs. Personnellement, je préférerais de loin que le gouvernement accélère et élargisse les réformes réglementaires et permette un système bancaire ouvert.

Cela s’explique du fait que les marchés fonctionnent mieux lorsque les innovateurs — les fabricants des meilleurs pièges à souris — sont récompensés. Les marchés ne servent pas bien la population quand des avantages réglementaires protègent les entreprises de la concurrence ce qui leur permet d’augmenter les prix et les profits tout en vendant le même vieux piège à souris.

Chers collègues, comme vous vous y attendez peut-être, je suis emballé par la mise en place d’un système bancaire ouvert et par les possibilités financières axées sur le consommateur que cela offrira ainsi que par les progrès dans les domaines connexes de la modernisation des paiements et de l’identité numérique. Des enjeux nous attendent, mais nous sommes enfin engagés dans la bonne direction.

L’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in

Félicitations à l’occasion du trentième anniversaire

L’honorable Margaret Dawn Anderson : Drin Gwiinzii, honorables sénateurs.

J’ai le privilège de prendre la parole aujourd’hui pour féliciter les Gwich’in d’Aklavik, d’Inuvik, de Teetl’it Zheh et de Tsiigehtchic à l’occasion du trentième anniversaire de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in.

L’entente, qui a été signée le 22 avril 1992, accorde aux Gwich’ins la propriété de 22 330 kilomètres carrés de terres dans les Territoires du Nord-Ouest et de 1 554 kilomètres carrés de terres au Yukon, y compris les droits tréfonciers sur 6 158 kilomètres carrés de terres dans les Territoires du Nord-Ouest. L’entente a également garanti aux Gwich’ins des avantages économiques et le droit exclusif d’obtenir un permis pour mener des activités commerciales liées à la faune sur les terres gwich’ins et a officialisé la participation des Gwich’ins à l’aménagement du territoire et à la gestion des ressources renouvelables, des terres, de l’eau et des ressources patrimoniales. Cela comprenait un engagement à négocier l’autonomie gouvernementale.

Depuis qu’ils ont reçu, entre 1992 et 2007, les 75 millions de dollars en transferts de capitaux garantis par l’entente sur la revendication territoriale, les Gwich’ins ont augmenté ces fonds à plus de 165 millions de dollars tout en soutenant leur peuple et leurs communautés.

La reconnaissance et l’affirmation des droits des Gwich’ins aux termes de l’entente sur la revendication territoriale ont également appuyé les initiatives gwich’ins en matière de conservation et de durabilité. Par exemple, les Gwich’ins ont été en mesure de maintenir la harde de caribous de la Porcupine comme l’une des hardes internationales de caribous de la toundra les plus grandes et les plus en santé au monde — une ressource critique et vitale pour les Gwich’ins.

Au cours des 30 dernières années, grâce à leur ministère du Patrimoine culturel, les Gwich’ins se sont efforcés de préserver leur culture, leur langue et leurs connaissances traditionnelles pour les générations futures. Ils ont aussi développé des programmes appropriés à leurs besoins. Ils ont par exemple enregistré les récits de vie de nombreux aînés gwich’ins et collaboré à un programme de langue seconde pour les jeunes de la maternelle à la 12e année de la région Beaufort-Delta.

Enfin, la transition vers un gouvernement dinjii zhuh fera en sorte que les Gwich’ins pourront poursuivre leurs activités d’occupation et de récolte pour des générations à venir tout en fusionnant leurs structures historiques de leadership avec des formes de gouvernance contemporaines.

Je félicite les Gwich’ins ainsi que leurs communautés et organisations pour leurs réalisations des 30 dernières années. Je sais que le Conseil tribal des Gwich’ins continuera d’accorder la priorité à son peuple, à ses collectivités, à sa culture, à sa spiritualité, à sa langue et à ses valeurs tout en cheminant vers un gouvernement dinjii zhuh. C’est vraiment le temps de définir « votre avenir, à votre façon ».

Mahsi’cho, quyannaini. Merci.

Partenaires canadiens pour la santé internationale

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, nous avons tous vu les horribles images en provenance de l’Ukraine, d’un peuple assiégé. Chaque jour, les reportages font état de milliers de morts et de blessés; du bombardement d’écoles ou d’un hôpital pour enfants atteints du cancer; d’immeubles à logements et d’autres édifices rayés de la carte; de centaines d’Ukrainiens emprisonnés sous terre dans des bunkers; ou des horreurs indicibles dans les rues de Boutcha.

Il est impossible de rester insensibles à ces images et au cri du cœur du président Zelenski à notre Parlement. Nous voulons tous aider, mais nous nous sentons impuissants. Dans une situation d’urgence chaotique de ce genre, l’aide médicale est vraiment nécessaire.

C’est pourquoi un groupe de députés et de sénateurs canadiens — dont le sénateur Larry Campbell et moi — s’est jumelé à Partenaires canadiens pour la santé internationale, un organisme de bienfaisance autorisé par Santé Canada qui gère et distribue des fournitures médicales dans des zones de crise de ce genre.

Approvisionné par d’importants partenaires des domaines médical et pharmaceutique, Partenaires canadiens pour la santé internationale travaille en partenariat avec l’organisme Canadian Medical Assistance Teams afin de livrer des trousses médicales humanitaires dans les régions de l’Ukraine et des alentours qui en ont besoin. Moyennant un coût de parrainage de 600 $, chaque trousse médicale comprend environ 600 traitements, pour une valeur d’environ 6 000 $ par boîte. Les trousses médicales actuellement envoyées en Ukraine comprennent des articles comme des antibiotiques, des antihypertenseurs, des antiinflammatoires, des analgésiques et des produits pour traiter les infections cutanées, l’asthme, les problèmes cardiaques et les problèmes exigeant des premiers soins. Les Partenaires canadiens pour la santé internationale se sont donné comme objectif d’envoyer 400 trousses médicales en Ukraine et dans les camps de réfugiés des pays voisins au cours des prochaines semaines. Pour ce faire, ils souhaitent collecter 240 000 $ en dons.

(1410)

Bon nombre d’entre vous soutiennent généreusement des organismes de bienfaisance, mais nous vous demandons de penser à celui-ci. Si de nombreux sénateurs et députés donnaient pour cette cause, cela pourrait avoir une grande incidence.

Honorables sénateurs, nous avons le grand privilège de siéger dans cette enceinte de la démocratie. Récemment, cinq députées du Parlement ukrainien nous ont rendu visite au Parlement pour montrer aux Canadiens combien il est important que l’Ukraine reçoive plus d’aide. J’ai pu les rencontrer. Ce sont toutes des mères qui ont dû laisser leurs enfants en Ukraine pour venir au Canada. Une députée a reçu un avis de sirène de frappe aérienne sur son cellulaire pendant ses rencontres sur la Colline du Parlement, l’informant que son enfant n’irait pas à l’école ce jour-là, mais plutôt dans un abri antibombes. C’est inimaginable.

Honorables sénateurs, unissons nos efforts, à titre de parlementaires canadiens, pour aider à soulager la douleur du peuple ukrainien en cette période difficile où il en a grand besoin. Si vous le pouvez, je vous prie de donner une trousse médicale en visitant le site hpicanada.ca ou en communiquant avec le sénateur Campbell ou moi-même. C’est une bonne façon d’offrir un soutien important à la population ukrainienne.

Les excuses papales

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je remercie le Groupe des sénateurs canadiens de m’avoir accordé du temps pour prendre la parole aujourd’hui.

Quand j’étais dans un pensionnat autochtone, j’ai commencé à avoir du scepticisme à l’égard de ce Dieu catholique dont les religieuses et les prêtres parlaient. Comment ce Dieu juste et bon pouvait-il me considérer comme une sauvage quand il m’a créée? Quand je suis allée à la confesse à l’âge de 12 ans, le prêtre m’a demandé si je laissais les garçons me faire des mauvaises choses. Je suis rarement retournée à l’église après cet événement et je ne suis jamais retournée à la confesse. C’était inconcevable pour moi de me confesser à un autre pécheur.

Au cours des décennies qui ont suivi, je ne pensais pas avoir besoin d’entendre des excuses. Cependant, quand j’ai écouté les paroles du pape vendredi dernier, j’ai été étonnée d’éclater en sanglots. Contre toute attente, je me suis sentie apaisée et soulagée. Par cette reconnaissance des préjudices du passé, les gens peuvent finalement accepter que des événements bouleversants et dévastateurs nous aient été infligés par les représentants de l’Église. Nous sommes libérés du fardeau d’essayer de convaincre les autres de ce que nous avons subi.

Est-ce que j’ai pardonné à l’Église? Non, pas encore, et je suis à l’aise avec cela. Il m’a fallu 62 ans pour pardonner à la religieuse qui m’a infligé un profond traumatisme avec sa violence au pensionnat. Grâce à une cérémonie de guérison à laquelle j’ai participé il y a deux mois, j’ai finalement été capable de lâcher prise sur cette énergie de violence qui s’était incrustée en moi pendant la majeure partie de ma vie. Je crois que cela explique pourquoi j’ai été capable d’accueillir les excuses officielles présentées par le pape comme je l’ai fait.

Maintenant, moi-même et d’autres anciens élèves avons besoin de réfléchir aux excuses papales, loin de ceux qui les analysent du point de vue de la pensée coloniale. En parlant avec de nombreux anciens élèves, j’ai découvert que nous percevons tous différemment l’incidence des excuses présentées. Dans nos discussions, nous nous demandons si elles étaient nécessaires et si elles sont acceptées. Malgré notre expérience commune, nous avons chacun notre propre interprétation de la situation et en avons gardé des séquelles persistantes distinctes.

Dans ma vie, j’ai été un objet de haine simplement en raison de préjugés contre les Cris. Ces mêmes préjugés existent toujours au Canada aujourd’hui. Cependant, je me fais l’écho de la gardienne du savoir intergénérationnel cri Deborah Young, qui dit ceci :

Malgré toutes les atrocités et le génocide qu’a connus notre peuple et auxquels il a survécu, mon cœur reste rempli d’amour et d’espoir, car si je perds l’amour ou l’espoir, il n’y aura plus rien.

Kinanâskomitin. Merci.

[Français]

Le Forum international sur la paix, la sécurité et la prospérité

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, alors que l’invasion répréhensible de la Russie en Ukraine persiste et que les atrocités s’accumulent, il est important plus que jamais de promouvoir la paix, la sécurité et la prospérité dans le monde, particulièrement auprès de nos jeunes citoyens qui ne saisissent peut-être pas la gravité des conséquences d’un tel conflit.

C’est pour cette raison que j’ai accepté, sans hésitation, de participer à la deuxième édition du Forum international sur la paix, la sécurité et la prospérité qui se tiendra en mode hybride aujourd’hui et demain. Des centaines de participants sont réunis en Italie pour l’occasion.

[Traduction]

Pendant deux jours, le forum réunira des dirigeants militaires et politiques, des spécialistes des politiques, des chercheurs, des étudiants et le grand public. Ils exploreront le rôle des forces militaires et des institutions d’ordre public et de justice dans l’établissement d’une paix florissante, d’une sécurité stable et d’une prospérité croissante. Autrement dit, ils se demanderont ce qu’il faut pour arriver à une paix mondiale et, plus important encore, pour la maintenir et la protéger.

En tant que Canadiens, nous avons tendance à tenir pour acquis ces trois éléments qui font partie de notre ADN. Nous avons le privilège de vivre dans une société juste et démocratique où la primauté du droit est respectée et où nos droits et libertés sont protégés par la Constitution. Ce qui se passe dans le monde actuellement illustre combien la démocratie est précieuse et fragile.

Le cofondateur et président du forum, Stephen Gregory, et son équipe de professionnels et de bénévoles dévoués ont réussi, en quelques années à peine, à élargir considérablement la portée de cet événement. Aujourd’hui, on compte parmi les participants au forum des représentants de 32 pays, de 23 académies militaires et d’environ 75 écoles secondaires représentant quelque 2 000 élèves, ainsi qu’un grand nombre d’éminents invités, d’universitaires et de membres des forces armées.

En plus de multiples tribunes et discours principaux, l’un des points forts du forum est le concours d’essai et de vidéo, dont je serai le modérateur. On a proposé aux élèves trois sujets axés sur la coopération entre civils et militaires. Demain matin, j’aurai l’honneur d’échanger avec ces élèves des idées sur la façon de créer et de maintenir la paix dans le monde.

Selon moi, le gouvernement du Canada devrait porter attention à cette conférence importante et envisager d’établir un partenariat formel, de nature financière ou autre, avec le Forum international sur la paix, la sécurité et la prospérité afin que celui-ci puisse continuer d’offrir aux jeunes de belles occasions d’apprentissage et de tisser des liens solides avec des gens du monde entier qui ont comme objectifs communs de promouvoir la paix, d’accroître la sécurité et de favoriser la prospérité.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter le comité organisateur, qui a mis sur pied ce deuxième Forum international sur la paix, la sécurité et la prospérité et élaboré un programme des plus impressionnants.

Merci.

[Français]

La Charte canadienne des droits des victimes

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de rendre hommage à une victime d’acte criminel ainsi qu’au combat de sa famille, qui tente depuis des années de faire respecter sa mémoire.

En octobre 2007, une jeune fille âgée de seulement 17 ans, Francesca Savoie, a perdu la vie subitement et tragiquement dans un accident de voiture à Bas-Caraquet, au Nouveau-Brunswick. Cet accident a été causé par un chauffeur qui conduisait avec des facultés affaiblies.

Depuis ce triste jour, des questions restent sans réponse pour la mère de Francesca quant aux circonstances entourant l’accident de sa fille bien-aimée. Depuis 15 ans maintenant, elle se bat pour obtenir de l’information figurant dans le dossier d’enquête de la GRC afin de mieux comprendre les circonstances de la mort de sa fille et de pouvoir enfin faire son deuil dans la paix qu’elle mérite.

À l’heure actuelle, il y a toujours des zones d’ombre qui subsistent au sujet du déroulement des faits pendant cette soirée. La mère de Francesca souhaite seulement qu’on lui dise la vérité sur la mort de sa fille. Sa démarche légitime et naturelle se heurte au refus de la GRC, qui ne souhaite pas accéder à sa requête au motif que les renseignements personnels de la victime sont protégés par la Loi sur l’accès à l’information et que la divulgation serait une atteinte déraisonnable à la vie privée de la jeune fille décédée.

Cette réponse de la GRC, confirmée par un jugement de la Cour fédérale, est une atteinte au principe supraconstitutionnel de la Charte canadienne des droits des victimes et, plus précisément, au droit à l’information que la mère de Francesca exige.

Honorables sénateurs, la Charte canadienne des droits des victimes a été créée avec pour objectif de réparer les injustices perpétuelles infligées aux familles des victimes et d’éviter à celles‑ci de devoir entreprendre de longues démarches pour faire respecter leurs droits. Cette triste histoire n’est que le reflet d’un système qui ne tient pas compte de la souffrance de ces familles. C’est une autre fois le signe qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour faire respecter la Charte canadienne des droits des victimes.

Je tiens à rappeler que la GRC n’est pas au-dessus des lois fédérales et constitutionnelles, comme l’affirmait la semaine dernière Marco Mendicino, le ministre responsable de la GRC.

(1420)

Les cours de justice ont l’obligation de faire appliquer les lois votées démocratiquement par le Parlement canadien, et cette autre atteinte à la Charte des droits des victimes est tout simplement indigne.

Alors que nous approchons du deuxième universitaire de la tuerie de Portapique, mes pensées vont à toutes ces familles qui ne devraient pas avoir à se battre pour être respectées par les institutions fédérales. J’aimerais apporter mon soutien à toutes ces familles et je vais me battre pour que le Sénat du Canada, la Chambre haute du Parlement, puisse faire respecter leurs droits et les droits de toutes les victimes d’actes criminels. Merci beaucoup.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Projet de loi modificatif—Présentation du premier rapport du Comité de l’agriculture et des forêts

L’honorable Robert Black, président du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le jeudi 7 avril 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a l’honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois), a, conformément à l’ordre de renvoi du 9 décembre 2021, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec la modification suivante :

1.Article 1, page 1 : Remplacer la ligne 10 de la version anglaise par ce qui suit :

« ter shall consider any potential reduction in greenhouse »;

et avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

ROBERT BLACK

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 455.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Black, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi instituant la Journée canadienne de l’alimentation

Présentation du deuxième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts

L’honorable Paula Simons, vice-présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le jeudi 7 avril 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a l’honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-227, Loi instituant la Journée canadienne de l’alimentation, a, conformément à l’ordre de renvoi du 3 mars 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La vice-présidente,

PAULA SIMONS

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 456.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Black, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Agriculture et forêts

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier l’état de la santé des sols

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’état de la santé des sols au Canada afin de trouver des solutions pour l’améliorer, hisser les produits forestiers et les agriculteurs au rang de chefs de file en matière de développement durable, et multiplier les possibilités de prospérité économique offertes aux agriculteurs;

Que le comité se penche en particulier sur les aspects suivants :

a)l’état actuel des sols au Canada;

b)les mesures que pourrait prendre le gouvernement fédéral pour favoriser et améliorer la santé des sols agricoles et forestiers, notamment en ce qui concerne la conservation, la séquestration du carbone et la lutte contre les effets des changements climatiques;

c)les effets de la santé des sols sur la santé humaine, la sécurité alimentaire, la productivité et la prospérité forestières et agricoles ainsi que la qualité de l’eau et de l’air;

d)le rôle des nouvelles technologies dans la gestion et l’amélioration de la santé des sols;

Que le comité présente son rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2023 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le budget de 2022

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. C’est à propos de l’une des nombreuses fuites dans les médias qui annoncent en détail ce que l’on trouvera dans le « budget néo-démocrate », plus tard cet après-midi — le premier budget néo-démocrate de l’histoire canadienne.

D’après Reuters, la « ministre néo-démocrate des Finances » présentera un fonds de croissance pour les nouvelles technologies vertes, qui sera administré par des professionnels, indépendamment du gouvernement. Il n’a pas de mandat clair. On espère qu’il attirera 3 $ d’investissements privés pour chaque dollar des fonds publics investi, et il contiendra 15 milliards de dollars de fonds publics.

Cela vous semble-t-il familier, monsieur le leader? Tous les contribuables devraient s’inquiéter des similitudes entre ce nouveau stratagème et la Banque de l’infrastructure du Canada, un sujet sur lequel je vous ai interrogé hier. Pourquoi diable voudrait-on répéter l’échec de la Banque de l’infrastructure?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur, pour votre question. Je n’ai pas encore pris connaissance de la teneur du budget. Il nous faudra donc attendre une journée pour savoir ce que le gouvernement propose.

Votre comparaison avec la Banque de l’infrastructure du Canada est intéressante. Même si les projets ne sont pas terminés, 35 sont en cours, comme je l’ai déjà mentionné auparavant, et ce sont d’importants projets, sénateur Plett. Parmi ces projets, mentionnons le projet de services Internet par fibre optique au Manitoba, qui permettra d’offrir une connexion à large bande à environ 50 000 foyers dans les régions rurales de la province, et donc de résoudre un problème soulevé à quelques reprises par votre collègue le sénateur Patterson. Il y a aussi le projet de liaison hydroélectrique et de fibre optique dans la région de Kivalliq, qui permettra d’établir un réseau essentiel d’énergie et de communications entre le Manitoba et le Nunavut.

Chaque dollar dépensé par les Canadiens et investi par le gouvernement dans ces projets d’infrastructure contribue à créer des emplois, à attirer des investissements, à lutter contre les changements climatiques, à promouvoir l’équité sociale et à bâtir l’économie de demain.

Le sénateur Plett : Bien entendu, ce que ces projets ont en commun, c’est qu’aucun d’entre eux n’a été mené à bien. Monsieur le leader, peut-être que c’est un membre du Nouveau Parti démocratique qui devrait répondre à nos questions.

Selon les médias, les membres du NPD ont été informés du contenu du budget. Comme la sénatrice Martin l’a mentionné mardi, la Banque de l’infrastructure du Canada n’a jamais attiré d’investissement privé comme le premier ministre le soutenait. Elle n’a mené à bien aucun projet depuis cinq ans, mais elle a dépensé plus de 46 millions de dollars en salaires et autres rémunérations, dont 10 millions en primes.

Monsieur le leader, si le gouvernement néo-démocrate—libéral a l’intention d’aller de l’avant avec ce programme, vous engagerez‑vous à tout le moins à retenir les primes incitatives lorsqu’il n’y a aucun résultat à présenter, oui ou non?

Le sénateur Gold : Non.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, comme l’a mentionné le sénateur Plett, on rapporte que des membres du NPD ont été informés, plus tôt cette semaine, des mesures qui seront incluses dans le budget de cet après-midi. On raconte aussi que la séance d’information du NPD s’est déroulée avant que les membres du caucus libéral aient été informés du contenu de ce « budget néo-démocrate ».

Sénateur Gold, comme vous êtes le représentant du gouvernement libéral au Sénat, pourriez-vous nous dire si vous avez déjà été informé du contenu du budget? Si c’est le cas, avez-vous reçu cette information avant ou après qu’elle ait été communiquée au troisième parti à la Chambre des communes?

(1430)

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je crois comprendre qu’il y a eu une conversation entre le premier ministre et le chef du Nouveau Parti démocratique, comme on pourrait s’y attendre, compte tenu des rapports qui se sont établis entre eux. À ma connaissance, c’est la bonne façon de décrire cette situation que vous avez présentée autrement.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, vous devez nous dire si vous avez reçu de l’information sur le budget. Après tout, c’est vous qui avez été assermenté au Conseil privé, et non les néo‑démocrates.

J’ai remarqué récemment, en consultant le site Web du Cabinet du premier ministre, que votre nom ne figure plus dans la liste des membres du Comité du Cabinet sur les opérations du gouvernement Trudeau. Est-ce exact? Si c’est le cas, pour quelle raison? Avez‑vous été remplacé par Jagmeet Singh? Pourquoi le gouvernement Trudeau traite-t-il le NPD, qui n’a que 25 sièges à la Chambre des communes, avec plus de respect que le leader du gouvernement au Sénat, et donc que le Sénat?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et de vous soucier du respect qu’on me porte. Cependant, ce que vous dites est inexact. Je suis encore membre du Comité des opérations, et j’ai d’ailleurs siégé récemment au comité, lundi dernier. Je n’ai pas d’explication à fournir au sujet du site Web. J’ai autre chose à faire que de chercher mon nom sur le Web.

Encore une fois, sénatrice, je vous indique respectueusement que, à ma connaissance, il y a eu une conversation, mais aucune information n’a été communiquée de façon formelle. Ni moi, ni les membres de mon équipe, ni qui que ce soit d’autre n’ont reçu d’information, outre celle communiquée lors de la séance d’information à huis clos sur le budget que nous avons organisée pour tous les sénateurs, et je crois qu’un seul sénateur y a participé. Outre cela, comme les autres sénateurs, je n’ai pas reçu d’information. Merci.

Les affaires étrangères

La lutte contre les campagnes de désinformation

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, nous savons que la Russie mène une campagne de propagande trompeuse à propos de son invasion brutale et illégale de l’Ukraine. À l’instar d’autres acteurs non étatiques, la Russie se sert des médias sociaux pour diffuser ces messages, ainsi que d’autres messages ciblant spécifiquement des questions intérieures du Canada.

On constate dans l’ensemble une augmentation généralisée de la diffusion volontaire de désinformation et de ce que certains experts appellent la malinformation, ce qui s’avère très dangereux pour la démocratie et pour la stabilité mondiale.

La sénatrice Simons a parlé des nombreux courriels que nous avons reçus à propos du projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant, et sur les conséquences de ces campagnes de désinformation qui induisent en erreur les Canadiens.

Dans mon interpellation sur les solutions climatiques, j’ai souligné mes préoccupations à propos des dangers de la désinformation, qui mine la confiance du public à l’égard des données scientifiques probantes sur le climat, des politiques climatiques et des mesures de lutte contre les changements climatiques.

En réponse à une question posée récemment par le sénateur Housakos sur la propagande russe, vous avez souligné que le Centre de la sécurité des télécommunications, le SCRS, la GRC et d’autres collaborent avec le gouvernement et avec divers partenaires pour assurer notre sécurité.

Sénateur Gold, étant donné les conséquences bien concrètes de l’augmentation de ce type de désinformation, quelles autres mesures le gouvernement du Canada prend-il pour contrer ces campagnes bien orchestrées, et quelles mesures concrètes sont mises en place pour promouvoir la sensibilisation à ces dangers parmi les Canadiens qui participent à des plateformes de médias sociaux? Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, qui met en lumière un phénomène dont nous connaissons tous le caractère croissant et pernicieux.

La désinformation sous toutes ses formes constitue une menace grave pour la société, la démocratie et la population canadienne. Je sais que le gouvernement vient d’injecter 2,5 millions de dollars de plus dans des projets ciblés qui permettront aux Canadiens de déceler la désinformation et les fausses informations dans le cadre de l’Initiative de citoyenneté numérique. Ce financement s’ajoute aux 8,5 millions de dollars du Programme de contributions en matière de citoyenneté numérique. Ce programme permet de financer des projets dont l’objectif est de sensibiliser les Canadiens à l’égard des informations qu’ils voient et qu’ils consomment en ligne, et à leur permettre de jeter un regard plus averti et plus critique sur ce contenu.

Comme l’a souligné ma collègue dans sa question, le gouvernement doit se pencher sur le rôle que devraient jouer les plateformes de médias sociaux pour réduire la propagation de désinformation, de fausses informations et de contenu haineux en ligne et de diverses autres pratiques pernicieuses. À cet égard, je sais que le ministre a annoncé la mise sur pied d’un groupe d’experts chargé de fournir des avis sur l’adoption de lois qui permettront de contrer ces formes de préjudices en ligne.

Le soutien à l’Ukraine

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold.

Sénateur Gold, récemment, l’agence de presse nationale de l’État russe a publié un document qui défend avec vigueur ce qui est appelé la dénazification de l’ensemble de la population de l’Ukraine. On y propose de liquider le leadership politique, civil et économique du pays ainsi que ses partisans, en plus de demander le retrait de tous les vestiges de l’identité ukrainienne, y compris le nom même de l’Ukraine.

Cette oblitération génocidaire de l’Ukraine par la Russie est l’enjeu de cette guerre. Nous avons tous vu les horreurs à Boutcha, les fosses communes de civils et les photos de corps laissés dans les rues avec les mains liées, abattus d’une balle à la tête. Certains corps montrent des signes de torture, de viol et de brûlures.

Même si je reconnais le soutien important que le Canada a fourni et continue de fournir, la majeure partie de nos efforts, sinon la totalité, sont axés sur les sanctions et l’aide humanitaire. Cependant, l’Ukraine demande des armes lourdes ainsi que des systèmes de défense aérienne et navale dont elle a besoin pour se défendre. Le Canada n’a pas complètement répondu aux besoins dans ce domaine.

Lundi dernier, mon petit-fils de 9 ans a donné à ma fille 10,85 $, une somme qu’il a accumulée en vendant des drapeaux ukrainiens qu’il a fabriqués, et lui a demandé de l’envoyer à l’Ukraine pour l’aider à se défendre.

Le gouvernement suivra-t-il son exemple en fournissant à l’Ukraine les armes dont elle a besoin ou l’argent pour lui permettre d’acheter ces armes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. J’espère que votre petit-fils nous regarde. Il devrait être très fier.

Le Canada a mis en place un ensemble complet de mesures d’aide militaire à l’intention de l’Ukraine, et il réévalue constamment et continuellement les besoins de cette dernière. C’est pourquoi il a annoncé l’envoi de plusieurs nouvelles tranches d’aide militaire — létale et non létale — à l’Ukraine.

Le gouvernement a aussi organisé plus de 40 vols à bord de C-130 canadiens pour aider nos alliés à faire parvenir de l’aide à l’Ukraine. On m’a également informé que le gouvernement discute avec un éventail de partenaires industriels de la possibilité de fournir un soutien supplémentaire à nos partenaires ukrainiens.

Enfin, on m’a informé que le gouvernement collabore actuellement avec des entreprises canadiennes pour évaluer les options d’aide militaire à l’Ukraine. La ministre Anand continuera de s’entretenir avec le ministre Reznikov pour se tenir au courant de l’évolution des besoins de ce pays.

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, sous un angle légèrement différent, quelles mesures le Canada prend-il pour inciter nos alliés de l’OTAN à soutenir l’Ukraine en lui fournissant les armes lourdes et les systèmes de défense aérienne et navale dont elle a besoin pour contrer cette attaque russe illégale et horrible?

Si le Canada ne peut pas intervenir directement, que fait-il indirectement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, monsieur le sénateur. On m’a informé que la ministre demeurait en contact étroit avec son homologue de l’Ukraine et avec les alliés du Canada au sein de l’OTAN, notamment dans le cadre des nombreuses rencontres des ministres de la Défense des pays de l’OTAN, afin de voir ce que le Canada et l’alliance peuvent continuer de faire pour répondre le plus adéquatement possible aux besoins en constante évolution de l’Ukraine en matière de sécurité et pour coordonner nos efforts actuels et futurs.

Je souligne que, à la suite de réunions des ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN, l’organisation a confirmé aujourd’hui qu’elle s’engage à en faire plus pour soutenir l’Ukraine, notamment en matière d’aide humanitaire et d’aide financière.

Chers collègues, les discussions suivent leur cours et, d’après ce que j’en sais, on étudierait la possibilité d’envoyer de l’équipement de protection contre les menaces biologiques et chimiques à l’Ukraine.

La justice

Le racisme systémique

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, une des causes sous-jacentes de la surreprésentation des Noirs dans le système carcéral canadien est le racisme systémique à leur endroit. Un des principaux obstacles auxquels sont confrontés de nombreux Noirs emprisonnés est que ces derniers sont étiquetés comme faisant partie d’un « groupe menaçant la sécurité ». Cette étiquette peut être consignée dans leur dossier simplement parce qu’ils ont porté un bandana sur leur tête ou parce qu’ils viennent d’un quartier donné. Cette étiquette continue de figurer dans leur dossier, qu’ils soient ou non affiliés à un gang, ce qui a une incidence sur le traitement qu’ils reçoivent en prison et sur leur admissibilité aux programmes et à la libération conditionnelle. Ce n’est là qu’un exemple du racisme anti-Noirs présent dans les prisons canadiennes.

(1440)

Sénateur Gold, que fait-on pour lutter contre le racisme systémique anti-Noirs dans les prisons et le système de justice pénale du Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénatrice, de votre question. Comme nous le savons tous pertinemment, les Autochtones, les minorités visibles, y compris les Canadiens noirs, sont surreprésentés dans notre système de justice pénale, et cela doit changer.

Le gouvernement s’efforce de créer les conditions permettant à tous ceux qui travaillent au sein du système de justice pénale de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation et produire des résultats plus équitables. On m’a informé que le gouvernement offre également aux délinquants noirs canadiens des services visant à favoriser leur réinsertion sociale, notamment en répondant à leurs besoins culturels en matière d’emploi et de mentorat.

On m’a également informé que le Service correctionnel du Canada étudie la situation des détenus racisés, notamment les Canadiens noirs, et qu’un rapport de recherche complet devrait être publié cet automne.

Comme nous le savons, le gouvernement a également présenté le projet de loi C-5, un important pas en avant. Si jamais ce projet de loi est adopté, ces changements permettront à notre système de justice pénale d’être plus équitable, plus efficace et d’assurer la sécurité des Canadiens issus de toutes les communautés.

Enfin, et cela va sans dire, il reste encore du travail à faire. Le gouvernement le reconnaît et est déterminé à l’accomplir.

Les affaires étrangères

Les diplomates russes

L’honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

J’aimerais commencer par citer un passage d’une chanson de Johnny Cash :

Il y a un homme qui fait sa ronde et tient une liste de noms

C’est lui qui décide qui est blâmé et qui a droit au pardon.

Monsieur le leader, en votre qualité de fin mélomane, je suis convaincu que vous connaissez cette chanson. Je vous demande de l’appliquer dans le contexte suivant. En 2014, le Canada a expulsé des diplomates russes à la suite de l’attaque et de l’occupation illégales et immorales de la Crimée, en Ukraine. En 2018, le Canada a expulsé des diplomates russes après que le Kremlin a empoisonné un Russe et sa fille en Angleterre.

Le monde observe maintenant Vladimir Poutine — qui sera à jamais connu comme le « boucher de Boutcha » — tuer, violer, brûler et anéantir les citoyens de l’Ukraine. Il n’y a là-dessus aucun doute, en dépit de ce qu’affirme l’homme de main du boucher, qui est ambassadeur à Ottawa.

Le gouvernement soutient que si nous expulsons les diplomates, les Russes répliqueront et nous perdrons la capacité à obtenir de l’information détournée sur la situation ou, Dieu nous en garde, notre pouvoir d’influence. Pourtant, à au moins deux autres occasions de nature effroyable, le gouvernement a expulsé des diplomates.

L’invasion de l’Ukraine est infiniment plus horrifiante que ces deux autres situations. La chose à faire serait d’admettre que la Russie a systématiquement commis des crimes contre l’humanité et de le dire. La chose à faire serait de demander à notre ambassadeur aux Nations unies de travailler sans relâche pour expulser la Russie du Conseil de sécurité, où elle dispose d’un droit de veto. La chose à faire serait de retirer ce régime meurtrier du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Toutefois, j’aimerais d’abord savoir quand le gouvernement expulsera tous les diplomates russes du Canada. J’ai commencé mon discours en disant : « Il y a un homme qui fait sa ronde et tient une liste de noms; c’est lui qui décide qui est blâmé et qui a droit au pardon. »

Où figurera le gouvernement dans cette liste? Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Le Canada a été très clair : il a condamné sans équivoque les actions de la Russie en Ukraine sans mâcher ses mots.

Il est également vrai que le Canada prend aussi des mesures, de diverses manières et certainement par l’entremise de son ambassadeur aux Nations unies, pour isoler la Russie de toutes les façons possibles. Je pense que le Canada devrait se réjouir du fait que les Nations unies ont retiré la Russie du Conseil des droits de l’homme. Des efforts continuent d’être déployés à l’égard d’autres mesures diplomatiques.

En ce qui concerne votre question, le gouvernement continue d’évaluer les coûts et les avantages, tant pour les intérêts du Canada que pour ceux de nos alliés en Ukraine, du maintien et du retrait de notre présence diplomatique à Moscou, où il y a de l’information sur ce qui se passe réellement sur le terrain qui n’est pas filtrée par la désinformation qui inonde le monde et, dans certains cas, de vastes régions du monde. Le gouvernement continuera d’agir de façon responsable dans le cadre de son évaluation des mesures à prendre, le cas échéant, à l’égard des diplomates russes au Canada.

Le sénateur Campbell : Il y a un proverbe français qui dit ceci :

[Français]

« C’est pure folie de la part d’un mouton de parler de paix avec un loup. »

[Traduction]

En dépit de mon français boiteux, je crois qu’on m’a compris. Si, comme l’affirme le gouvernement, ils craignent que les Russes ne ripostent, comment expliquez-vous que l’Allemagne ait expulsé 40 diplomates, la France, 35, l’Italie, 30 et l’Espagne, 25? En fait, les pays de l’Union européenne ont expulsé plus de 230 représentants de la Russie depuis le début de l’invasion en Ukraine.

Je soutiens que les pays situés à proximité du territoire russe risquent bien davantage de faire l’objet de représailles que le Canada. Ont-ils tort ou doit-on simplement conclure que le gouvernement du Canada tient de beaux discours, mais n’a ni la volonté ni le courage de prendre des mesures contre les diplomates représentant ce régime meurtrier? Merci.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Le Canada ne craint pas de prendre les mesures qui s’imposent pour soutenir le gouvernement démocratique et la population ukrainienne, et nos décisions le prouvent. Cependant, tout État souverain doit décider lui-même des mesures à prendre et de la façon de les appliquer, et déterminer lesquelles seront efficaces, lesquelles seront symboliques et lesquelles serviront le mieux l’intérêt non seulement de sa population, mais aussi celui de ses alliés, et le Canada continuera d’agir de façon responsable à cet égard.

Les finances

Droits afférents à la constitution en société de régime fédéral

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement.

Parmi les promesses faites par le gouvernement libéral aux petites entreprises pendant la campagne électorale fédérale de 2019 figurait l’engagement de réduire les frais de constitution en société de régime fédéral de 75 %, soit de 200 $ à 50 $. Il s’agit d’une promesse relativement modeste pour un gouvernement fédéral, mais qui a de l’importance pour les entrepreneurs, étant donné que chaque dollar compte au moment de démarrer une entreprise.

Selon une réponse récente à une question inscrite au Feuilleton, le gouvernement « continue d’évaluer l’incidence de la réduction des droits ».

Plutôt que de dire que ces droits seront réduits, la réponse indique que le nombre annuel de constitutions en société a augmenté de plus de 100 % au cours des cinq dernières années.

Monsieur le leader, on dirait bien que le gouvernement néo‑démocrate—libéral a choisi d’abandonner cette promesse faite par le premier ministre aux petites entreprises. Pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je ne sais pas si votre façon de décrire les choses est représentative de la réalité, mais je vais assurément m’informer et je serai heureux de faire un suivi sur cette politique en particulier.

Le transfert d’une petite entreprise

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Oui, c’est très important, dans chaque changement que nous apportons, d’aider les petites entreprises; même le plus petit des frais fera une grande différence pour elles.

Un autre sujet qui revêt une grande importance pour les petites entreprises est le projet de loi C-208 du député conservateur Larry Maguire, qui réduit les impôts à payer lors du transfert d’exploitations agricoles familiales ou de petites entreprises à des membres de la famille. Même si le projet de loi C-208 a été adopté en juin, le gouvernement Trudeau ne l’a jamais appuyé. En fait, il a même essayé d’empêcher sa mise en œuvre au moyen d’un communiqué du ministère des Finances.

En juillet, la veille d’une réunion où un comité de l’autre endroit prévoyait examiner le refus du gouvernement de se plier à la volonté du Parlement à l’égard de ce projet de loi, la ministre Freeland a publié, par pur hasard, un communiqué reconnaissant l’entrée en vigueur de la loi. La ministre s’est engagée à apporter des changements au projet de loi C-208 en novembre.

(1450)

Monsieur le leader, nous sommes en avril, c’est-à-dire neuf mois plus tard, et nous ne savons toujours pas quelles sont les intentions du gouvernement néo-démocrate—libéral à l’égard de ce projet de loi. Quels sont vos plans en ce qui concerne le projet de loi C-208?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas de renseignements sur l’état d’avancement de ce projet de loi en particulier. Je vais m’informer et je serai heureux de vous revenir avec la réponse.

Le commerce international

Le secteur des forêts

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, le président de l’Association des produits forestiers du Canada a récemment fait part au Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes des inquiétudes de l’industrie à propos de mesures législatives qui vont à l’encontre des intérêts du secteur forestier canadien et qui sont présentement étudiées par les assemblées législatives de l’État de la Californie et de l’État de New York. M. Nighbor a déclaré que si ces projets de loi étaient adoptés, ils auraient pour effet de restreindre les exportations de produits forestiers canadiens dans les chaînes d’approvisionnement de ces États.

L’industrie forestière est très inquiète. L’Association des produits forestiers du Canada, Unifor et le Syndicat des Métallos ont dénoncé d’une seule voix ces mesures législatives qui vont à l’encontre des intérêts du secteur forestier canadien présentement à l’étude en Californie et à New York, car ils savent que celles-ci seraient très dommageables pour notre secteur forestier et nos collectivités. M. Nighbor a déclaré aux membres du comité qu’il souhaite voir un engagement des hautes sphères politiques du gouvernement du Canada — le Cabinet — à prendre des mesures concrètes dans ce dossier.

Sénateur Gold, le premier ministre et son Cabinet se porteront-ils à la défense du secteur forestier canadien pour empêcher l’adoption de ces projets de loi par ces assemblées législatives aux États-Unis? Nous savons que leur adoption aurait des effets dévastateurs sur le gagne-pain de centaines de milliers de Canadiens.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question.

Je vais d’abord rappeler au Sénat que le gouvernement du Canada actuel et ses prédécesseurs ont toujours travaillé fort pour défendre l’industrie forestière du Canada. À ce sujet, comme nous le savons tous, les États-Unis ont indiqué avoir l’intention de maintenir les droits de douane injustifiés sur le bois d’œuvre canadien. De plus, comme de nombreux sénateurs le savent, le gouvernement a intenté en décembre dernier un recours en vertu du chapitre 10 de l’ACEUM pour s’opposer à cette décision.

Je note que, depuis 13 mois, la ministre Ng fait valoir à son homologue que le Canada est prêt à entreprendre les discussions appropriées au sujet d’une possible résolution du dossier du bois d’œuvre.

Le gouvernement est encouragé par les récents commentaires de l’ambassadrice Tai, qui a reconnu l’importance de parvenir à un accord sur le bois d’œuvre. Nous allons continuer de défendre nos travailleurs forestiers et notre industrie afin de parvenir à un bon accord avec nos homologues américains.

Le sénateur Mockler : Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, sénateur Gold, prenons ceci en considération : l’Association des produits forestiers demande également au ministère des Affaires mondiales d’entreprendre un examen juridique officiel des deux projets de loi actuellement à l’étude dans les assemblées législatives d’Albany et de Sacramento afin de bien en comprendre les répercussions. M. Nighbor a déclaré au comité de la Chambre que le ministère des Affaires mondiales a jusqu’à présent refusé de faire ce travail.

Cependant, monsieur le leader, je constate que l’examen indépendant des projets de loi par l’Association des produits forestiers du Canada suggère que les préoccupations concernant les répercussions possibles de ces projets de loi vont bien au-delà du secteur forestier du Canada.

Il pourrait y avoir des répercussions qui établiraient un précédent au Canada, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, de l’hydroélectricité et des mines, ainsi que sur leurs travailleurs.

Monsieur le leader, la demande ne semble pas déraisonnable. Pouvez-vous nous dire pourquoi le ministère des Affaires mondiales n’examine pas ces projets de loi? Le gouvernement va-t-il intervenir pour demander au ministère de procéder à ces examens? L’enjeu est de taille et il concerne des centaines de milliers de Canadiens qui travaillent dans ces secteurs.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.

Je ne sais pas comment Affaires mondiales traite les projets de loi en question. Je peux toutefois dire aux sénateurs que, d’après les renseignements qu’on m’a fournis, le gouvernement est au courant des projets de loi qui sont à l’étude dans les assemblées législatives de la Californie et de l’État de New York. Il reste en communication étroite avec l’industrie au sujet de ces mesures.

Comme le savent les sénateurs, les lois canadiennes en matière de forêts figurent parmi les plus rigoureuses de la planète. Le Canada est un chef de file en matière de climat. Il a toujours collaboré de près avec les États-Unis, son partenaire commercial, dans le dossier de la gestion des forêts, malgré les différends qui surviennent souvent entre les deux pays.

Comme je l’ai déjà dit, le gouvernement continuera toujours de défendre le secteur forestier et ses travailleurs.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative suppléante du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

L’étude de la motion tendant à autoriser une modification à la Constitution (Loi sur la Saskatchewan) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale

Adoption du quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à l’adoption du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, intitulé Rapport relatif à la motion gouvernementale 14 (imposition du chemin de fer du Canadien Pacifique en Saskatchewan), présenté au Sénat le 31 mars 2022.

L’honorable David Arnot : Honorables sénateurs, je vous parle depuis le territoire du Traité no 6, terre d’origine des Métis. Je peux vous dire que sur le territoire du traité, le soleil brille, l’herbe pousse et la rivière coule, comme il se doit.

J’interviens pour parler en faveur de la recommandation du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que le Sénat adopte la motion no 14. Je dirais qu’il était logique pour le Sénat de renvoyer cette motion au comité. Je suis reconnaissant d’avoir pu assister aux réunions du comité pour entendre les témoins.

Le témoin qui représentait le Chemin de fer Canadien Pacifique, ou CP, a indiqué que l’entreprise avait intenté une poursuite en Saskatchewan avec l’intention d’obtenir un résultat où tout le monde serait gagnant. Il faisait là allusion à un investissement ou un partenariat entre le CP et le gouvernement de la Saskatchewan pour le développement des infrastructures ferroviaires. Mon interprétation est la suivante : le CP essaie d’obtenir des subventions supplémentaires pour l’entretien des chemins de fer.

La question de l’équité a été soulevée dans ce débat. J’ai quelques questions pour mes collègues sénateurs. Est-il juste qu’une entreprise réclame la récupération des impôts qu’elle paie depuis 1905 en raison d’une anomalie historique qui remonte à 142 ans? Est-il juste que cette même entreprise réclame maintenant une exonération d’impôt à perpétuité? Est-ce équitable de donner à une seule société un énorme avantage sur le marché, où les compétiteurs doivent payer leur juste part d’impôts, mais pas le CP? Est-ce équitable d’obliger les contribuables de la Saskatchewan à fournir à une société inscrite à la Bourse de New York, qui a enregistré un profit de 2,8 milliards de dollars en 2021, les moyens de s’enrichir indûment?

(1500)

À mon avis, la réponse à chacune de ces questions est un « non » retentissant. Il est absolument injuste et inadmissible de refiler ce fardeau et cette responsabilité aux citoyens de la Saskatchewan.

À mon avis, le futur « CP-Kansas City » se présente les « mains sales » devant les tribunaux pour demander un traitement équitable. Cette attitude ne devrait pas être récompensée. Je m’explique. On a permis au CP de délaisser le transport de passagers et de cesser de desservir les lignes secondaires partout au Canada, plus particulièrement dans l’Ouest. La société a obtenu des subventions à sa convenance en 1966. Cette année-là, le ministre des Transports, John Pickersgill, a qualifié le CP de bon citoyen corporatif lorsqu’il a accepté de renoncer à l’exemption fiscale à perpétuité.

Aujourd’hui, le comportement du CP nous permet de tirer des conclusions aux antipodes. Selon moi, à l’ère moderne, la balance de la justice penche lourdement du côté des contribuables de la Saskatchewan et non pas du côté du chemin de fer Canadien Pacifique-Kansas City.

La question de la rétroactivité s’est invitée dans le débat. Les préoccupations liées à l’application rétroactive de la loi sont valides. Il est toujours possible de débattre du caractère légitime de la rétroactivité. Cette question mérite qu’on s’y penche. Les tribunaux et le public sont très conscients que l’application de ce concept est injuste en soi, sauf pour des motifs légitimes. En effet, l’application rétroactive des lois fiscales n’est légitime que dans des circonstances très précises.

La Cour suprême du Canada s’est prononcée sur cette question en 2007, dans le cadre de l’affaire Kingstreet. La Cour a indiqué notamment que le Parlement et les législatures peuvent imposer des taxes valides et les appliquer rétroactivement de manière à limiter le recouvrement de taxes ultra vires. Elle a donc indiqué clairement que l’application rétroactive de dispositions législatives fiscales est possible, légale et constitutionnelle.

Dans certaines circonstances, ce mécanisme peut fournir une solution équitable. Dans le cas qui nous occupe, j’estime que c’est une solution légitime à une inégalité flagrante.

La modification demandée par les Saskatchewanais ne va pas établir un précédent d’une portée si vaste qu’elle permettrait, par exemple, à un gouvernement peu scrupuleux de faire adopter des mesures législatives applicables de façon rétroactive à des fins malhonnêtes. Dans ce cas-ci, la proposition s’applique à un contexte tellement limité et particulier qu’il est très peu probable qu’elle soit applicable à grande échelle.

Dans le cas qui nous occupe, l’application rétroactive est le seul moyen de protéger équitablement les honnêtes contribuables de la Saskatchewan contre les lourdes responsabilités fiscales qui découlent d’anomalies historiques et du fait que le CP a eu recours aux tribunaux.

J’aimerais fournir une brève mise en contexte historique. Sir John A. Macdonald ne voulait pas le moindre sou provenant des États‑Unis d’Amérique pour financer le chemin de fer. Il lui fallait un consortium d’investisseurs canadiens. Les Canadiens George Stephen, de la Banque de Montréal, et Donald Smith, de la Compagnie de la Baie d’Hudson, sont donc intervenus. Ils ont cherché des investisseurs au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas.

Le consortium canadien avait besoin du type d’incitatif qui a été offert par John A. Macdonald — une exemption fiscale à perpétuité. En février 1885, George Stephen a écrit à John A. Macdonald en lui disant que tous les gens d’affaires du Canada allaient penser que M. Smith et lui étaient fous d’embarquer dans un projet aussi risqué. Pourquoi? Ils ne savaient pas comment allait coûter exactement la construction d’un chemin de fer au nord du lac Supérieur et à travers les Rocheuses. Ils ne pouvaient pas savoir avec certitude quand les revenus permettraient de rembourser cette dette. En fait, à un certain moment, M. Stephen a quitté la Colline du Parlement, à Ottawa — il était député —, pour rentrer à Montréal parce qu’il se croyait au bord de la faillite. Il était désillusionné et déprimé. Or, il y a eu un revirement de situation miraculeux.

M. Stephen et M. Smith sont devenus ce que nous appellerions des milliardaires aujourd’hui. Ils ont pris leur retraite au Royaume‑Uni, où ils ont été nommés à la Chambre des lords. M. Stephen est devenu lord Mount Stephen et M. Smith, lord Strathcona.

Le contexte historique est très important. Je tiens à vous rappeler ce fait historique. Lorsque les arpenteurs du gouvernement se sont rendus dans l’Ouest afin d’évaluer le territoire pour le chemin de fer et les nouveaux arrivants, ils ont été refoulés pacifiquement par les Premières Nations. On leur a dit qu’ils n’étaient pas les bienvenus. Ce moment a accéléré la conclusion d’un traité avec les Premières Nations afin de réaliser le rêve national d’un chemin de fer qui allait d’un océan à l’autre.

Comme la sénatrice Pate l’a mentionné au cours du débat, et comme la sénatrice Clement l’a précisé en comité et en public, il reste beaucoup de questions en suspens concernant les traités dans notre pays. Il reste encore beaucoup de faits historiques à étudier. Les bonnes intentions des parties signataires des traités ont été remplacées par les politiques paternalistes inhérentes à la Loi sur les Indiens, mise en place quelques semaines seulement après la création du Traité no 6.

Pour en revenir au Canadien Pacifique, je ne pense pas qu’un seul gouvernement du monde occidental ayant été au pouvoir ces 200 dernières années ait accordé une exonération d’impôt sur les sociétés à perpétuité à une entreprise, et qu’il ait en plus inclus cette exonération dans sa constitution. La disposition en question est extrêmement rare et probablement unique en son genre. Le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a entendu les avis éclairés de trois spécialistes du droit constitutionnel. J’estime pouvoir dire qu’il est extrêmement rare que des spécialistes du droit constitutionnel soient d’accord sur un point, et s’expriment en totale harmonie et de façon concise. Or, ils pensent tous les trois que la motion no 14 est entièrement constitutionnelle.

En outre, le Sénat compte en son sein quatre spécialistes du droit constitutionnel, même s’ils ne sont pas tous avocats. Ce sont les sénateurs Gold, Harder, Cotter et Dalphond. Il me semble que les trois premiers se sont prononcés favorablement à l’égard de la légitimité constitutionnelle de la motion no 14.

J’aimerais faire une mise en garde. Je pense que le Sénat devrait éviter à tout prix de créer un précédent. Il le ferait en rejetant le rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, et en fin de compte, en contrecarrant la volonté des députés élus à l’Assemblée législative de la Saskatchewan et la volonté des députés élus de l’autre endroit. Cela provoquerait un véritable opprobre public au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, et, je suppose, ailleurs au Canada. Je demande à tous les sénateurs qui pensent voter contre la motion de prendre en compte les répercussions de cet éventuel précédent. Merci.

L’honorable Jim Quinn : Honorables sénateurs, quand j’entends les mots « modification constitutionnelle », cela m’amène à croire que la question à l’étude est sérieuse. Nous avons entendu que des modifications constitutionnelles ont déjà été apportées, par exemple quand Terre-Neuve est devenue Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons aussi déjà entendu d’honorables sénateurs parler d’autres modifications, et nous avons appris que certaines d’entre elles ont été contestées juridiquement après leur adoption.

La modification à l’étude a été approuvée par l’Assemblée législative de la Saskatchewan et la Chambre basse sans débat et sans examen en comité, y compris des témoignages. Seul le Sénat du Canada a réellement pris le temps d’étudier le projet de loi et d’écouter des témoins.

Je pense qu’il y a deux enjeux auxquels les sénateurs doivent réfléchir. Primo, il y a la question de la rétroactivité qui est traitée dans le projet de loi; secundo, il y a le fait que les tribunaux de la Saskatchewan sont en train de se pencher sur le dossier. Pour moi, la question de la rétroactivité est une question d’équité. Nous avons appris que, au cours des dernières décennies, des modifications constitutionnelles auraient pu être apportées à maintes reprises, mais qu’elles ne l’ont pas été. On nous demande maintenant d’en apporter une, alors que cela pourrait influencer une décision judiciaire.

Lorsqu’on a demandé aux témoins comparaissant devant notre comité s’ils pensaient que cette modification pourrait influencer le procès en cours si elle était adoptée avant la conclusion du procès, je dirais que ceux-ci étaient plutôt d’avis que cela pourrait être le cas. J’ai interrogé le procureur général de la Saskatchewan. Je lui ai demandé s’il croyait, compte tenu de la primauté de la Constitution, que la modification de celle-ci pouvait avoir un effet. Il a répondu :

Nous pensons, sénateur, que cela aurait un certain effet sur le litige, mais nous ignorons lequel.

(1510)

En conclusion, honorables sénateurs, pourquoi le Sénat devrait-il approuver la modification proposée, alors que même le procureur général de la Saskatchewan est convaincu que celle-ci aura un effet sur le litige, mais qu’il ignore dans quelle mesure?

Après toutes ces décennies, l’urgence de ce projet de loi, à la veille d’une décision d’un tribunal, semble être un moyen d’apporter aujourd’hui un changement qui pourrait avoir une incidence plus tard. Pourquoi ne pas simplement attendre que le tribunal rende une décision dans les prochaines semaines, après quoi on pourrait proposer une modification appropriée qui permettrait de modifier la Constitution tel que demandé?

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je voudrais faire quelques commentaires à ce sujet.

D’abord, je veux remercier la sénatrice Jaffer de son leadership, ainsi que les membres du Comité des affaires juridiques des efforts qu’ils ont déployés dans ce dossier. En ce qui concerne les réunions du comité, les témoins reçus et les questions posées par les sénateurs, c’était l’exemple parfait de la diligence dont peut faire preuve le Sénat du Canada; c’est du travail bien fait.

J’ai eu quelques réflexions dont je voudrais vous faire part. Comme on l’a déjà entendu — et je crois que nous l’entendrons encore —, les experts nous ont affirmé que, sans l’ombre d’un doute, cette mesure était légale. Il est tout à fait légal pour la Saskatchewan d’agir comme elle l’a fait et cela ne devrait absolument pas nous préoccuper.

Par contre, un des juristes, un éminent professeur de l’Université d’Ottawa, a fait une distinction. Il a parlé de la différence entre légalité et légitimité, notamment en ce qui a trait à l’extinction rétroactive d’un droit conféré par un contrat valide. C’est l’élément qui semble déranger un certain nombre de personnes, dont des sénateurs et moi-même.

Il est également devenu évident — le sénateur Quinn vient justement d’en parler — que la mesure avait pour objet d’influer sur les affaires en cours et sur la décision que doit rendre prochainement le tribunal sur cette question. Cela m’a permis de mieux comprendre la situation.

Comme vous le savez peut-être, cette motion et ses conséquences éventuelles m’inquiètent depuis qu’elle nous a été présentée. Je dois dire que, bien sincèrement, j’aurais souhaité ne pas devoir en arriver là. Pendant un certain temps, j’ai voulu savoir comment et pourquoi nous en sommes arrivés là. Cependant, en fin de compte, et après réflexion, il importe peu pour nos délibérations que le gouvernement ait agi trop rapidement ou que l’entreprise, comme on vient de le laisser entendre, ait essayé de pousser le bouchon un peu trop loin. Nous sommes saisis de cette motion et nous devons nous en occuper.

Je suis offusqué par la notion de rétroactivité et par l’intention évidente de contourner les procédures judiciaires, pas seulement en tentant de faire peser la balance de la justice un peu plus d’un côté que de l’autre, mais en la faisant tomber de la table.

Je trouve également troublant que l’on dépeigne le CP comme une grande et méchante entreprise qui s’est injustement enrichie grâce à un avantage perpétuel illégitime. Je ne pense pas qu’il existe une autre entreprise, dans l’histoire de notre pays, qui ait autant contribué à l’édification et à la préservation de celui-ci par ce qu’elle a fait à l’époque, bien que cela remonte à plus d’un siècle.

De nos jours, le Canadien Pacifique emploie 10 000 Canadiens. Quatre-vingt-onze pour cent des actions du CP sont logées dans des institutions financières canadiennes, ce qui me porte à croire que la plupart des actions appartiennent à des Canadiens, probablement dans des fonds de pension, des fonds communs de placement, etc. Je ne serais pas étonné qu’un pourcentage important de Canadiens, sinon une majorité d’entre eux, détiennent des actions du Canadien Pacifique.

Les réunions de comité, les débats et le temps supplémentaire que nous avons eu pour réfléchir, plutôt que d’adopter le projet de loi avec empressement — se hâter et adopter le projet de loi, comme on l’a suggéré plus tôt —, m’ont été utiles pour réfléchir à ce qu’est mon travail de sénateur : mener un second examen objectif, avec humilité et respect envers les autres ordres de gouvernement, surtout dans ma propre région. Nous avions un travail à faire, et je pense que nous l’avons fait. Je crois qu’aujourd’hui, c’est le moment de voter.

Je ne peux pas me résoudre à appuyer la motion, mais je ne pense pas qu’il soit légitime que nous la rejetions. Elle est peut-être légale, mais elle n’est pas légitime. Par les mêmes arguments que nous avons entendus en comité, il y a des choses que nous pouvons faire légalement qui ne sont pas légitimes. Je crois qu’en l’occurrence, nous devons faire ce qui est légitime.

Bien que je ne puisse pas appuyer la motion, je ne pense pas qu’il soit juste de s’y opposer et de risquer qu’elle soit rejetée. Je ferai ma propre petite déclaration sur cette question en m’abstenant. Je vous remercie, chers collègues.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mes réserves à l’égard de la motion devant vous. Ces réserves découlent des témoignages entendus pendant quatre heures au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et de la revue des procédures judiciaires initiées en Saskatchewan, des débats à l’assemblée législative de cette province et à la Chambre des communes, des lois pertinentes et du jugement de 320 pages de la Cour fédérale du Canada rendu le 29 septembre dernier dans le dossier Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique c. Canada.

Je débuterai en résumant le contexte, puis j’expliquerai mes réserves.

[Traduction]

En 1880, incapable d’honorer sa promesse à la Colombie-Britannique de la relier au reste du Canada au moyen d’un chemin de fer, le gouvernement fédéral a conclu un marché avec un groupe d’entrepreneurs qui deviendraient les fondateurs de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique.

En échange de la construction du chemin de fer et de son exploitation à perpétuité, le marché prévoyait notamment l’octroi, à la compagnie, d’une subvention de 25 millions de dollars, le transfert de 25 millions d’acres de ce qui était considéré comme étant des terres publiques afin qu’ils soient vendus aux colons que la compagnie ferait venir dans l’Ouest, ainsi qu’une exemption d’impôt à perpétuité relativement à certains biens fonciers.

À propos du marché, le juge Nesbitt de la Cour suprême du Canada écrivait, en 1905, dans l’affaire Canadian Pacific Ry. Co. c. James Bay Ry. Co.:

[...] le projet était considéré comme étant si dangereux qu’il a été jugé nécessaire d’offrir aux entrepreneurs des privilèges exceptionnels afin de les persuader de l’entreprendre [...]

Le débat d’aujourd’hui porte sur l’exemption fiscale prévue à l’article 16 du marché, qui dit :

Le Chemin de fer Canadien Pacifique, ainsi que toutes les gares et leur terrain, les ateliers, les bâtiments, les gares de triage et autres biens fonciers, le matériel roulant et l’équipement connexe requis et utilisés pour la construction et le fonctionnement dudit chemin de fer, de même que le capital social de la compagnie, sont à jamais exempts d’impôts du Dominion ou de toute province établie plus tard ou de toute administration municipale en son sein [...]

(1520)

Autrement dit, l’exemption convenue à l’égard de certaines propriétés devait inclure les impôts fédéraux et municipaux ainsi que les impôts provinciaux advenant la création de provinces.

En 1905, le Parlement a créé la Saskatchewan à partir de ce qui était encore considéré comme des terres publiques fédérales. Compte tenu de l’obligation du gouvernement de maintenir l’exemption fiscale, le Parlement avait prévu, à l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan, une limitation empêchant l’exercice des pouvoirs fiscaux conférés à la province de façon susceptible de violer l’article 16 du contrat.

Nul ne remet en question le fait que, depuis 1905, la compagnie a payé tous les impôts provinciaux que la Saskatchewan lui a imposés périodiquement et que, jusqu’en 2008, la compagnie n’a pas invoqué le fait qu’une portion de cette charge fiscale pouvait être liée aux propriétés visées par l’exemption prévue dans le contrat.

Cependant, la compagnie a modifié sa position à la suite de l’importante décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2007 dans l’affaire Kingstreet Investments Ltd. Dans cet arrêt, la cour conclut que les sommes payées au titre d’un impôt qui a par la suite été jugé inconstitutionnel peuvent être recouvrées sans qu’il y ait une limite de temps prescrite par la loi. Autrement dit, un gouvernement n’a jamais avantage à percevoir des impôts qui enfreignent la Constitution.

Étant d’avis que l’exemption de taxes et d’impôt incluse dans le contrat de 1880 bénéficie d’une protection constitutionnelle, rendant ainsi ultra vires toute taxe et tout impôt perçus en violation du contrat, la société a engagé des procédures judiciaires pour recouvrer certains montants versés à Revenu Canada ainsi qu’à la Saskatchewan, à l’Alberta et au Manitoba. Devant la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, la société a déclaré que si elle l’emportait, elle pourrait avoir droit à un remboursement d’environ 341 millions de dollars au 31 décembre 2020. Cette estimation se ventile comme suit : 248 millions de dollars en taxes sur le carburant, 49 millions de dollars en taxes sur les ventes, 14 millions de dollars en impôt sur le revenu et 4 millions de dollars en impôt sur le capital des sociétés.

Le but de la modification constitutionnelle à l’étude est clair : retirer de la constitution interne de la Saskatchewan l’obligation d’honorer l’exemption fiscale prévue à la clause 16 du contrat, rétroactivement à 1966.

Je vais maintenant exprimer mes préoccupations. La première, que je partage avec la sénatrice Simons et le sénateur Tannas, est que la motion abrogerait l’obligation de la Saskatchewan rétroactivement à 1966. Devant le comité, les experts constitutionnels ont reconnu que l’Assemblée législative de la Saskatchewan, la Chambre des communes et le Sénat ont le pouvoir de modifier ensemble l’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan en recourant à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. C’est ce qu’on appelle la procédure de modification bilatérale.

Ils ont également convenu que ce pouvoir devrait inclure la capacité d’apporter une modification qui s’applique rétroactivement, ajoutant que la motion, si elle est adoptée, constituera la première modification constitutionnelle avec effet rétroactif dans l’histoire du Canada.

Toutefois, ces experts — en particulier le professeur Benoît Pelletier, dont le sénateur Tannas vient de parler — ont émis des réserves sur les répercussions que l’application rétroactive d’une modification constitutionnelle pourrait avoir sur les attentes établies des contribuables et sur les principes juridiques comme les droits acquis, y compris les droits privés, et, enfin, l’intégrité de la primauté du droit.

Ma deuxième préoccupation porte sur le fait que le gouvernement de la Saskatchewan a conçu cette modification constitutionnelle de manière à influer sur l’issue d’un litige qui est encore devant le tribunal de cette province. Je partage les préoccupations du sénateur Quinn. Essentiellement, la Saskatchewan cherche à abolir le droit de l’entreprise de faire valoir qu’elle a le droit, en vertu de l’article 24 de la Loi de la Saskatchewan, de demander le remboursement de certains impôts.

Aujourd’hui, on nous demande d’adopter cette motion sans plus tarder, car le procès en Saskatchewan est censé reprendre bientôt. Je suis découragé de voir une province se servir du processus de modification constitutionnelle pour s’ingérer dans l’issue d’une procédure judiciaire pendante.

Ma troisième préoccupation porte sur le fait qu’une modification constitutionnelle n’est pas nécessaire.

Chers collègues, vous ne le savez peut-être pas, mais la récente décision de la Cour fédérale dont j’ai parlé au début de mon discours visait la portée de l’exonération fiscale. La Cour a rejeté les arguments de la compagnie selon lesquels elle avait droit au remboursement d’une partie des taxes fédérales. En fait, le juge a retenu les arguments du gouvernement fédéral et conclu que tel qu’elle était rédigée, l’exonération fiscale n’était pas destinée à inclure l’impôt sur le revenu, la taxe sur le carburant et ce qu’on appelle souvent la taxe sur le carbone.

Le juge a conclu que l’exonération ne pouvait s’appliquer qu’à la taxe fédérale sur le capital-actions de la compagnie, une taxe qui avait été abrogée en 2006 et remboursée par l’Agence du revenu du Canada à la compagnie avant que l’affaire ne soit portée devant la Cour fédérale, rendant ainsi ce point sans portée pratique.

Bien entendu, si l’exonération ne s’applique pas à l’impôt fédéral sur le revenu ou à la taxe fédérale sur le carburant, en toute logique, elle ne peut pas non plus s’appliquer à la taxe de vente de la Saskatchewan, car les taxes d’accise sont exclues. En fait, l’exonération ne pourrait s’appliquer qu’à l’impôt sur le capital des grandes sociétés, qui a été ramené à zéro en 2008 en Saskatchewan.

Autrement dit, si l’interprétation que la Cour fédérale a faite du contrat est adoptée par les tribunaux de la Saskatchewan, le montant en jeu n’est plus de 341 millions de dollars, mais seulement de 4 millions de dollars.

Certains diront que ce jugement a été porté en appel par la compagnie et que la cause est actuellement devant la Cour d’appel fédérale. Par conséquent, il est non définitif pour l’instant. C’est vrai, mais pourquoi ne pas attendre la décision de la Cour d’appel fédérale, voire même celle de la Cour suprême du Canada, avant de recourir à l’ultime outil, c’est-à-dire une modification constitutionnelle rétroactive?

Tout porte à croire que la réponse à cette question est que le gouvernement de la Saskatchewan préfère imposer une décision des cours provinciales. Cependant, les procédures judiciaires se poursuivront à l’échelon fédéral. Donc, si le jugement de la Cour fédérale est confirmé par l’appel qui porte sur l’étendue de l’exemption fiscale prévue au contrat, la seule répercussion de la modification sera d’avoir évité à la Saskatchewan d’avoir à rembourser 4 millions de dollars à la compagnie. Est-ce que ce montant justifie de recourir à une modification constitutionnelle, un changement qui créerait un précédent en matière de rétroactivité? Je ne crois pas.

Malheureusement, le jugement de la Cour fédérale n’a pas été mentionné dans l’autre endroit ni à l’Assemblée législative de la Saskatchewan. D’ailleurs, comme l’a souligné le sénateur Harder, aux deux endroits, la motion a été adoptée sans qu’aient été entendus les points de vue de témoins, y compris des experts, évidemment.

Ma quatrième préoccupation porte sur une autre raison invoquée par le gouvernement de la Saskatchewan pour justifier la motion. Le préambule de la motion se lit comme suit : « [...] que le 29 août 1966 [...] que le conseil d’administration de la compagnie n’avait aucune objection à ce que des modifications soient apportées à la constitution de façon à mettre fin à l’exemption fiscale [...] »

Chers collègues, la Cour fédérale a rejeté cette affirmation. Après plusieurs journées de présentation de la preuve et de plaidoiries, le juge de première instance a conclu qu’en 1966, l’entreprise avait seulement renoncé à l’exemption concernant les taxes municipales. Autrement dit, la cour a jugé que l’entreprise n’avait pas accepté une modification constitutionnelle qui éliminerait l’exemption concernant les taxes et impôts fédéraux et provinciaux, tel qu’allégué dans la motion. Ajoutons que la conclusion de la Cour fédérale a été acceptée par le gouvernement fédéral, qui convient que le contrat — y compris l’article 16 — est toujours exécutoire.

Il est surprenant que la motion affirme le contraire, d’autant plus que cette affirmation contraire vient du gouvernement de la Saskatchewan, qui avait choisi d’intervenir dans les travaux de la Cour fédérale. Comment peut-il alors faire fi du jugement?

Malheureusement, plusieurs des personnes qui ont présenté des discours à l’autre endroit s’appuient sur cette affirmation rejetée pour appuyer la motion, sans savoir que la Cour fédérale a rejeté l’affirmation. Selon moi, s’appuyer sur une affirmation reconnue comme infondée, c’est, pour le gouvernement, faire preuve d’un immense mépris pour les tribunaux du pays et leur mission, qui est de trancher lorsque des faits sont contestés.

Ma cinquième et dernière préoccupation porte sur les conséquences qu’aurait probablement l’adoption de la motion sur le trésor fédéral.

Lorsqu’il a témoigné devant le comité, le ministère de la Justice du Canada a reconnu que le contrat est toujours exécutoire pour le gouvernement fédéral et que la portée de la clause d’exemption fiscale ne sera pas touchée par la modification constitutionnelle proposée par la Saskatchewan.

Ainsi, si l’adoption de la modification constitutionnelle a pour effet d’éliminer une exemption fiscale dont l’entreprise bénéficie en Saskatchewan, l’entreprise pourra poursuivre le gouvernement pour violation de contrat afin d’obtenir un dédommagement.

(1530)

Il est intéressant que personne à la Chambre des communes n’ait mentionné cette possibilité. En fait, dans leurs discours, beaucoup ont dit que la modification de la Constitution était nécessaire pour prévenir un remboursement de 341 millions de dollars à l’entreprise. Or, selon la logique de cet argument, puisque le contrat reste en vigueur, le paiement de cette somme substantielle pourrait incomber au gouvernement fédéral. Il est surprenant que le risque que la note doive être payée à même le Trésor fédéral ne semble susciter aucune préoccupation chez ceux qui appuient la motion.

D’autre part, si le gouvernement fédéral l’emporte en appel, cette modification constitutionnelle rétroactive sans précédent aura donc prévenu un remboursement de quelque 4 millions de dollars par la Saskatchewan, somme que le gouvernement fédéral lui aurait probablement remboursée comme il l’a fait dans le contexte de l’impôt fédéral sur le capital.

Pour conclure, chers collègues, je voterai contre cette motion, car je considère qu’elle risque d’établir un dangereux précédent. Je n’ai pas à déterminer si certains soutiendraient que c’est une mesure illégale ou un abus du processus de modification de la Constitution, mais je pense qu’il a été prouvé que la légitimité de la motion est inexistante. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Le sénateur Richards souhaite poser une question. Il vous reste environ 1 minute et 10 secondes, sénateur Dalphond. Acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Oui.

L’honorable David Richards : Sénateur Dalphond, est-ce que cela aura une incidence sur d’autres industries du Canada? Est-ce que cela créera un précédent qui ouvrira une boîte de Pandore en matière de litiges?

Le sénateur Dalphond : À mon avis, le Canada se fonde sur le principe selon lequel un contrat est la loi des parties, et le contrat doit être respecté jusqu’à ce qu’il soit modifié. Il a été modifié en 1966 afin d’éliminer les exemptions fiscales pour les taxes municipales, mais il ne l’a pas été pour éliminer les taxes provinciales et fédérales. Donc, la règle de droit s’applique : on laisse aux tribunaux le soin de décider de la portée des exemptions et on compte sur eux pour prendre les bonnes décisions et arriver aux bonnes conclusions.

La Cour fédérale a dit que la Couronne fédérale a analysé correctement la portée du contrat. Je ne vois pas pourquoi la Saskatchewan hésite à laisser ses propres tribunaux décider si la portée du contrat correspond à celle qui a été définie par la Cour fédérale.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir brièvement pour appuyer la motion no 14, qui vise à adopter une résolution pour modifier la Loi sur la Saskatchewan.

D’après les témoignages entendus, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a signalé que la modification constitutionnelle proposée, y compris son caractère rétroactif, est légale et il en a recommandé l’adoption.

Mes observations porteront sur deux éléments du processus et sur deux éléments de la dimension politique de la question, que j’appellerai l’équité.

Commençons par notre processus. Je veux remercier le sénateur Tannas de sa détermination pour que cette motion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Comme d’autres l’ont dit, le Sénat semble avoir pris ce dossier important plus au sérieux que d’autres intervenants, ce qui est tout à notre honneur.

Nous avons appris beaucoup de choses sur la motion par les parties directement touchées — ce qui leur a donné une voix en un certain sens —, ainsi que par des experts. Grâce à eux, tous les membres du comité ont été mieux informés, plus en mesure de conseiller le Sénat dans son ensemble et mieux outillés pour prendre la meilleure décision possible à l’égard de cette motion.

Merci, sénateur Tannas.

Le deuxième élément du processus concerne le fond de la question. Comme la sénatrice Simons l’a suggéré il y a deux jours dans son excellent discours, une approche multiprovinciale à l’égard de cette anomalie historique constituerait une bonne politique, mais ce n’est pas une option à l’heure actuelle, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, comme le sénateur Dalphond l’a mentionné, il s’agit d’une modification constitutionnelle bilatérale entre le Canada et une seule province, ce qui signifie que toute motion et résolution doit viser cette province en particulier. Les motions doivent être distinctes.

Deuxièmement, la motion dont nous sommes saisis ne concerne que la Saskatchewan. Même si on avait voulu faire front commun dans ce dossier, ce n’est pas ce qui s’est passé, malgré les efforts qui ont été déployés, et nous n’avons d’autre choix que de disposer de la proposition de modification dont nous sommes saisis.

En ce qui concerne un des aspects liés à l’équité, j’espère pouvoir répondre aux préoccupations du sénateur Quinn et, bien franchement, à certaines observations du sénateur Dalphond.

Le premier aspect est d’ordre juridique. Le CP a renoncé à l’exemption fiscale provinciale en 1905. À l’époque, le CP se portait on ne peut mieux, et selon Pierre Berton et d’autres personnes, ses premiers investisseurs étaient devenus des gens immensément riches et privilégiés grâce au chemin de fer transcontinental.

Le CP paie des impôts provinciaux sans interruption depuis plus d’un siècle. Comme le sénateur Arnot l’a mentionné, en 1966, à l’autre endroit, le ministre Pickersgill a salué la responsabilité sociale dont le CP avait fait preuve en renonçant à l’exemption fiscale municipale, après avoir renoncé à l’exemption fiscale provinciale.

Je veux souligner que c’est la seule façon logique d’interpréter ce qui s’est passé pour les impôts provinciaux. Quelles sont les probabilités, par exemple, que Tommy Douglas, premier ministre défenseur des droits des provinces et reconnu pour gérer avec prudence les finances du gouvernement, ait seulement demandé à Ottawa, comme il l’a fait, de mettre fin à l’exemption de taxes municipales du CP si, au même moment, le CP avait continué de réclamer une exemption pour l’impôt provincial? C’est carrément impossible.

Le CP avait depuis longtemps renoncé à l’exemption fiscale provinciale. Je dirai simplement qu’en matière de droit des contrats, dont le sénateur Dalphond vient de parler, si cela n’avait été qu’un contrat, le fait que le CP ait renoncé à son exemption fiscale serait retenu contre lui aujourd’hui. Dans tout autre contexte que le droit constitutionnel, le principe d’estoppel interdirait au CP de réclamer aujourd’hui cette exemption fiscale.

En un mot, le principe d’estoppel consiste à empêcher une personne d’affirmer un droit auquel elle a renoncé, ce que le CP a fait, et auquel l’autre partie s’est fiée de bonne foi, ce que la Saskatchewan a fait. Malheureusement, le principe d’estoppel est reconnu partout, sauf dans le droit constitutionnel. Dans le cas présent de l’exemption fiscale, qui a été abandonnée depuis longtemps et qui est inscrite dans la Constitution, le CP a pu contourner le problème d’estoppel et présenter, un siècle plus tard, une demande qu’il n’aurait pu présenter dans aucun autre contexte.

Comme l’a indiqué le sénateur Dalphond, la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Kingstreet a permis aux contribuables de réclamer des impôts actuels et passés qui sont déclarés ultra vires. Le CP s’est servi de ces éléments fortuits pour réaffirmer l’exemption d’impôt provincial, à laquelle il avait renoncé depuis longtemps, et il réclame maintenant jusqu’à 340 millions de dollars au gouvernement de la Saskatchewan, mais ce sont essentiellement les contribuables de la province qui sont visés.

C’est peut-être ce que les sociétés, ou du moins le Canadien Pacifique et la Kansas City Southern Railway, pensent devoir faire au nom de leurs actionnaires, mais une telle approche est sans scrupules. Si l’idée de rendre la modification constitutionnelle rétroactive vous reste en travers de la gorge, cette combine menée par de grandes sociétés devrait être encore plus difficile à avaler. Nous avons le pouvoir d’y mettre un frein.

Mon deuxième point à propos des politiques ou de l’équité est le suivant : cette vulnérabilité ne touche que la Saskatchewan, l’Alberta et le Manitoba. Par exemple, personne n’a offert d’exemption fiscale au siège social du CP — peu importe où il se trouvait — en 1881. Cette situation a exposé les trois provinces, depuis 1905 et 1881, respectivement, à une vulnérabilité qui est inacceptable en principe.

S’il ne s’était rien passé, nous nous serions peut-être contentés de considérer l’exemption comme un curieux vestige de l’histoire constitutionnelle du Canada. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait depuis 1905. Or, il s’est passé quelque chose. Lorsqu’une société ranime un vestige de l’histoire pour essayer de revendiquer une exemption à laquelle elle a renoncé depuis longtemps, on ne peut y voir qu’une tentative d’exploiter une échappatoire involontaire pour éviter de payer l’impôt qu’elle paie depuis très longtemps, comme les autres contribuables. Il en résulte un risque financier pour trois provinces qui n’auraient jamais dû se voir imposer un tel fardeau.

Le sénateur Dalphond fait valoir que le risque financier est faible. Par principe, ce n’est pas pertinent. Il appuie son argument sur une interprétation donnée par un juge d’instance dans une autre affaire qui n’a aucune force obligatoire sur la Saskatchewan ou la population de cette province.

(1540)

En matière de finances publiques, cette situation pourrait coûter des centaines de millions de dollars aux contribuables de la province, à qui nous n’aurions jamais dû demander d’assumer un tel fardeau.

Votre vote sur cette question en dira long sur le message que vous voulez communiquer aux Saskatchewanais et sur l’image que vous désirez donner de l’équité fiscale aux trois provinces auxquelles Ottawa a imposé ce fardeau injuste il y a plus d’un siècle.

Si vous êtes enclins à voter contre cette motion à cause de son application rétroactive, je vous demande de tenir compte de deux choses : premièrement, le fait que l’imposition d’un tel fardeau a toujours été injuste et, deuxièmement, l’opportunisme dont fait preuve le CP. Merci. Hiy hiy.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

(En conséquence, le Sénat a adopté la motion qu’il donne son agrément à la résolution proposée pour modifier la Constitution.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je veux corriger le compte rendu. Par inadvertance, j’ai commis une erreur en répondant à la question de la sénatrice Batters. De toute évidence, je devrais passer plus de temps à chercher mon nom sur Internet.

À strictement parler, je n’ai jamais vraiment été membre du Comité des opérations, même si j’ai assisté à toutes ses réunions et que mes rapports du Sénat au comité sont un point permanent à son ordre du jour. Je continue de participer régulièrement à ses séances quand je suis invité et lorsque c’est indiqué.

Toutefois, à strictement parler, seuls des ministres peuvent être considérés comme des membres de comités du Cabinet. Je souhaitais donc corriger le compte rendu. Permettez-moi d’ajouter que je ne suis pas ici pour remporter des trophées ou des titres. Je cherche uniquement à servir de mon mieux le Canada et ses citoyens.

Je m’excuse de l’erreur que j’ai commise. Merci.

Des voix : Bravo!

Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Kutcher, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-5, connu sous son titre abrégé comme la Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.

Notre collègue le sénateur Kutcher, qui est le parrain de ce projet de loi, a lui-même avoué que c’est un titre à rallonge, alors je suivrai son exemple en l’appelant simplement le projet de loi S-5.

Compte tenu des événements que nous avons traversés au cours des deux dernières années, il est difficile d’imaginer que quiconque puisse s’opposer à ce projet de loi ou à toute autre mesure qui vise à ce que tous les Canadiens puissent jouir d’un environnement aussi sain que possible. La santé est une priorité pour nous tous et elle le sera encore un certain temps.

La protection de l’environnement a toujours été une priorité pour les conservateurs. Après tout, c’est bien Brian Mulroney — nommé premier ministre le plus vert que le Canada ait connu — qui a pris des mesures rigoureuses et fructueuses pour régler le problème des pluies acides. À cette époque, on peut dire que ce problème n’était certainement pas facile à résoudre.

Si la pandémie de coronavirus nous a montré quelque chose, ce sont bien les limites des gouvernements lorsqu’il s’agit de respecter des promesses comme la reconnaissance du droit à un environnement sain. Pourtant, c’est ce que le gouvernement a décidé — avec tambours et trompettes — de mettre au centre du projet de loi.

Loin de moi l’idée de ne pas saluer l’effort, mais nous savons tous qu’il y a des limites à ce que le gouvernement peut faire pour protéger ce droit, des limites dictées par les menaces environnementales indépendantes de sa volonté, de toute évidence, mais aussi de l’incompétence du gouvernement, une marque distinctive du gouvernement néo-démocrate—libéral en particulier. La gestion de la pandémie illustre bien cette incompétence. Aucun gouvernement n’aurait dû être mieux préparé étant donné l’expérience vécue lors des épidémies de SRAS et de H1N1. Pourtant, le Canada a été carrément pris au dépourvu.

Outre le fait que le Canada n’était pas préparé, les décisions du gouvernement néo-démocrate—libéral pendant l’année qui a précédé la pandémie n’ont fait qu’aggraver la situation. En effet, le gouvernement a fermé trois entrepôts de la Réserve nationale d’urgence en mettant au rebut des millions d’articles d’équipement de protection individuelle qui auraient pu être utilisés pour faire face à la première vague, il a essentiellement démantelé — six mois avant l’apparition du virus — le système canadien d’alerte précoce des maladies infectieuses reconnu mondialement, et il a ignoré l’avis des scientifiques de l’Agence de la santé publique pour se fier plutôt à celui des administrateurs.

Je ne veux pas insister sur ce point, mais il suffit de dire que si nous convenons tous que les Canadiens ont le droit de vivre dans un environnement sain, je suis loin de croire que le gouvernement puisse tenir cette promesse.

N’oubliez pas non plus que le droit à un environnement sain, tel qu’il est reconnu dans le projet de loi S-5, n’est pas un droit légal comparable à ceux que nous confère la Charte. Il s’agit d’un droit qui n’existerait qu’en application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la LCPE. Nous ne savons pas exactement ce qui sera obtenu par la reconnaissance de ce droit dans la loi.

Je ne dis pas que je suis contre. Je m’inquiète simplement que le gouvernement laisse entendre que l’effet sera plus important que ce qu’il sera réellement; ce ne serait pas aussi merveilleux que ce qu’il paraît, mais ce genre de question pourra être étudié par le comité.

Honorables sénateurs, comme l’a expliqué le sénateur Kutcher, c’est la première mise à jour de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement depuis 1999, soit une première en plus de 20 ans. Encore une fois, dans ce dossier, je ne peux m’empêcher de penser à la pandémie qui a clairement montré que nous — et le gouvernement actuel en particulier — avons baissé la garde dans les 20 ans qui ont suivi la publication du rapport sur l’éclosion de SRAS, qui avait d’ailleurs mené à la création de l’Agence de la santé publique.

Il est difficile d’être contre la modernisation de la LCPE après 20 ans. D’après ce que j’ai compris, la plupart des intervenants sont d’accord. Vous êtes nombreux ici, comme moi, à avoir entendu l’opinion de certains d’entre eux. Des intervenants comme l’Association canadienne de l’industrie de la chimie disent appuyer le projet de loi parce qu’il corrigera les lacunes de la LCPE. L’Alliance de l’industrie cosmétique dit aussi appuyer le projet de loi, pour autant que le processus décisionnel demeure fondé sur des données probantes et des évaluations des risques.

En outre, dans la lettre qu’ils ont écrite en appui au projet de loi, ces intervenants ont indiqué qu’ils croyaient qu’il était important que tout cadre réglementaire soit passé en revue de temps à autre. C’est un bon conseil et j’espère que notre étude au comité mènera à un examen complet du cadre réglementaire. Cependant, ce que ces intervenants n’appuient pas, ce sont les modifications à la loi qui n’ont pas l’appui de tous les intervenants, dont la plupart, d’après ce que j’ai compris, ont été consultés dans la préparation du projet de loi.

Honorables sénateurs, ce projet de loi est réellement d’ordre administratif. Il vise à moderniser la réglementation et il ne permettra pas concrètement d’étendre les protections environnementales, contrairement à ce que le gouvernement peut prétendre. Par exemple, il n’y a rien de mal à mentionner précisément les Canadiens vulnérables en ce qui a trait au droit à un environnement sain, mais même si le projet de loi n’y faisait pas explicitement référence, le droit s’appliquerait aussi à ces personnes, simplement parce qu’elles sont canadiennes. Le gouvernement ne peut simplement pas s’empêcher de faire l’étalage de sa vertu. Il ne le fait pas toujours dans le respect de la science.

Les honorables sénateurs se souviendront que, afin de pouvoir faire l’étalage de sa vertu, le gouvernement n’a pas hésité à aller à l’encontre de ce qu’exigeait la science lorsqu’il a refusé d’interdire les vols provenant de Chine dans les premiers jours de la pandémie, parce que, selon lui, il s’agissait de racisme. Pourtant, le rapport sur l’éclosion de SRAS avait été clair : « [...] les voyages jouent un rôle prépondérant dans la dissémination rapide des maladies. »

En fait, les données scientifiques à ce sujet étaient bien établies avant même le SRAS, mais le gouvernement, qui ne cesse de prétendre suivre la science, n’en a pas tenu compte.

(1550)

Ainsi, bien que le projet de loi présente toutes les caractéristiques de l’étalage de vertu qu’aiment le gouvernement néo-démocrate—libéral, il ne tient pas compte des recommandations du comité de l’environnement concernant les normes nationales relatives à la qualité de l’air et de l’eau.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons laisser la science être mise de côté ou détournée par des causes militantes. La dangerosité des substances toxiques est réelle. Dans son discours, le sénateur Kutcher nous a donné deux exemples frappants des préjudices causés à des collectivités par des produits chimiques toxiques, la première, au Japon, et la seconde à Grassy Narrows, dans le Nord-Ouest de l’Ontario. Dans ces deux cas, du mercure déversé dans l’eau a eu des conséquences tragiques.

Il existe d’autres exemples bien connus de désastres causés par des produits chimiques toxiques, et je souhaite en mentionner quelques-uns. Nous avons tous entendu parler de Love Canal, dans l’État de New York, où, dans les années 1950, la société Hooker Chemical Company a déversé 21 000 tonnes de déchets chimiques dans un canal abandonné. Vingt ans plus tard, en 1976, le canal a débordé et les produits chimiques se sont répandus dans le quartier environnant. Les habitants du quartier ont commencé à signaler que leurs enfants subissaient des brûlures chimiques, que des odeurs nauséabondes empestaient l’air, qu’ils avaient la nausée, que l’eau n’était plus potable et que de la boue noire se répandait en raison des produits chimiques qui avaient remonté à la surface. Un habitant du coin, le président de l’association de propriétaires de Love Canal, a commencé à porter le problème à l’attention du public en lançant des pétitions, en organisant des manifestations et en donnant des discours, ce qui a mené à l’adoption de la Comprehensive Environmental Response, Compensation, and Liability Act. Le commissaire à la santé de l’État de New York a déclaré une urgence de santé publique. Il a cherché à déménager les femmes enceintes et les enfants particulièrement vulnérables à l’extérieur du quartier.

En 1978, il a publié un rapport intitulé Love Canal: Public Health Time Bomb, où il qualifie ce qui s’est produit à Love Canal de désastre moderne profond et dévastateur. Le gouverneur de l’État de New York, Hugh Carey, qui alors était en pleine campagne électorale, est intervenu et a accepté de relocaliser 239 familles qui vivaient à proximité du canal.

Peu de temps après, le président Jimmy Carter a déclaré une situation d’urgence dans la région. L’affaire Love Canal a galvanisé l’opinion publique américaine au sujet des dépôts de déchets dangereux. Des milliards de dollars ont été dépensés pour nettoyer les décharges abandonnées, tout cela en raison de l’affaire Love Canal.

De même, à la fin des années 1980, le Natural Resources Defense Council, un groupe de réflexion sur l’environnement, a conclu que l’utilisation continue d’Alar, un pesticide longtemps utilisé sur les pommes, causerait le cancer chez 1 enfant d’âge préscolaire sur 4 200. Cette conclusion a fait son chemin jusqu’à l’émission « 60 minutes », dont l’hôte, Ed Bradley, a qualifié l’Alar de substance chimique cancérigène la plus puissante dans notre chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Des célébrités comme Meryl Streep se sont impliquées, tout comme un groupe de militants appelé Mothers and Others for Pesticide Limits. La demande pour les pommes a chuté, et les pommes ont été retirées des étagères et largement interdites dans les écoles.

Le problème avec les histoires de l’Alar et de Love Canal est que les dangers étaient dans les deux cas inexistants, ou à tout le moins grandement exagérés. Dans le cas de l’Alar, l’agence américaine de protection de l’environnement a estimé que le risque pour les enfants d’âge préscolaire n’était pas de 1 sur 4 200, mais de 1 sur 111 000. Dans le cas de l’affaire Love Canal, des études de suivi révisées par des pairs, menées par le département de la Santé de l’État de New York, n’ont révélé aucune tendance anormale en santé chez les résidants de Love Canal.

Cette constatation a par la suite été étayée par des analyses effectuées par l’American Medical Association, le Conseil national de recherches du Canada et les Centers for Disease Control and Prevention. En fait, une étude exhaustive menée par l’agence de protection de l'environnement en 1982 n’a révélé aucune preuve de contamination de l’environnement dans le Love Canal. Toutefois, dans les deux cas, la science et les politiciens ont été supplantés par une indignation menée par des activistes qui a entraîné une panique sociale qui a eu des conséquences bien réelles n’ayant aucun fondement.

Honorables sénateurs, je ne dis pas cela pour miner les exemples fort légitimes du sénateur Kutcher au sujet des dommages possibles ou encore le projet de loi S-5. Je dis cela pour souligner la complexité de la question dont nous sommes saisis ainsi que la nécessité, comme l’association des cosmétiques l’a dit, de prendre une décision fondée sur des données scientifiques fiables et l’évaluation des risques et non sur de l’activisme, et pour exhorter le comité qui étudie ce projet de loi d’entreprendre un examen rigoureux et approfondi de tous les aspects et de convoquer toutes les parties prenantes à la table.

Chers collègues, le caucus conservateur appuie le renvoi de ce projet de loi au comité pour une étude approfondie, et je l’appuie aussi à l’étape de la deuxième lecture. Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je vais aussi parler du projet de loi S-5, dont le titre abrégé est Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé. Ce projet de loi comporte trois volets. S’il était adopté, plus de 100 modifications seraient apportées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, communément appelée la LCPE. Des modifications connexes seraient apportées à la Loi sur les aliments et drogues, et la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane serait abrogée.

J’aimerais mettre l’accent sur la première série de modifications, celles qui touchent la LCPE. Celle-ci est reconnue mondialement comme une série de mesures législatives de premier ordre, souples et fondées sur les risques en matière d’environnement. Le libellé de la loi se lit comme suit :

[...] la protection de l’environnement est essentielle au bien-être de la population du Canada et que l’objet principal de la présente loi est de contribuer au développement durable au moyen de la prévention de la pollution.

Sur le site Web d’Environnement et Changement climatique Canada, on peut lire ce qui suit : « Les Canadiens ont indiqué que la Loi est foncièrement solide. »

Cela dit, aucune loi n’est parfaite. De 2004 à 2007, des consultations ont été menées par Environnement Canada et Santé Canada dans le but de déterminer qu’elles sont les lacunes de la LCPE qui pourraient être améliorées au moyen d’une refonte exhaustive de la loi.

Selon un document publié en 2017 par Environnement Canada et intitulé La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) : questions, ces consultations ont permis de soulever 12 questions précises et 3 défis stratégiques.

Les 12 questions précises cherchaient toutes à clarifier le projet de loi et à y apporter une plus grande certitude, ainsi qu’à réduire les formalités administratives inutiles en rationalisant certains processus. Par exemple, comment le gouvernement traiterait-il les substances inscrites sur la Liste intérieure des substances créée en 1988, avant l’exigence d’une évaluation préalable établie par la LCPE?

Il y avait aussi la question de la cohérence à l’échelle nationale. Le rapport déclare que la cohérence à l’échelle nationale en ce qui concerne la réglementation :

[...] crée également des règles de jeu équitables en réduisant les problèmes associés au fait d’avoir, dans l’ensemble du pays, des règlements disparates pour les mêmes secteurs d’une industrie.

Cette détermination à avoir plus de certitude et de cohérence dans l’ensemble du pays afin d’éliminer le travail de devinette des investisseurs et des promoteurs potentiels est ce qui m’a aidé à former mon opinion sur le projet de loi.

Chers collègues, le projet de loi C-5 cherche à ajouter un article au préambule qui reconnaîtrait le droit de tous les Canadiens à un environnement sain. L’article 5 du projet de loi expose ensuite le processus de consultation pluriannuel qui établira la façon de mettre ce droit en œuvre.

(1600)

Voici la question qu’il faut se poser pendant l’étude de ce projet de loi : que signifie-t-il pour les Canadiens, concrètement? Pour tenter d’y répondre, il faut tout d’abord se tourner vers les administrations canadiennes qui ont déjà des dispositions semblables et regarder la jurisprudence.

L’Ontario, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut reconnaissent tous le droit à un environnement sain dans les préambules de mesures législatives. Le Québec a inscrit ce droit dans sa Loi sur la qualité de l’environnement en 1978 et l’a ajouté à sa Charte des droits et libertés de la personne en 2006. Il est donc possible d’intenter des poursuites contre les PDG d’entreprise puisqu’ils peuvent, au Québec, être tenus personnellement responsables si une mauvaise gestion de l’entreprise a des effets négatifs sur l’environnement.

Au cours des dernières années, il y a eu au Canada quatre poursuites fondées sur l’idée que la Constitution garantit aux Canadiens le droit à un environnement sain. À la fin de 2018, le groupe ENvironnement JEUnesse a lancé un recours collectif. Il alléguait que le gouvernement du Canada avait violé le droit des Canadiens à un environnement sain en adoptant des cibles de réduction des émissions de GES que le groupe jugeait inadéquates. Il soutenait qu’il s’agit d’un droit garanti implicitement par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui parle du « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ». Il affirmait ce qui suit dans ses observations :

En adoptant des cibles inadéquates et en ne mettant même pas en place les mesures nécessaires pour atteindre ces cibles, le gouvernement viole le droit des membres du groupe à un environnement sain et respectueux de la biodiversité, protégé par la Charte québécoise.

Le gouvernement du Canada a soutenu, à son tour, que cette question n’était pas justiciable, car il s’agissait d’arguments intrinsèquement politiques. En fin de compte, le recours collectif n’a pas été autorisé. La décision du 11 juillet 2019 ne s’oppose pas aux questions de fond, mais conclut plutôt que le groupe d’âge des résidants du Québec que l’organisme prétendait représenter, soit celui des « 35 ans ou moins », était arbitraire. Le juge Morrison n’a donc pas autorisé la demande sur la base de la procédure, et la question de fond sur ce qu’implique le droit à un « environnement sain » est restée sans réponse.

En 2019, les affaires La Rose c. Sa Majesté la Reine et Mathur et al. c. Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario se sont rapidement succédé. Les deux ont été déposées par des enfants du Canada et de l’Ontario, respectivement. Certains des plaignants étaient des enfants autochtones, tandis que d’autres étaient des enfants vulnérables dont l’état de santé ou la situation géographique les rendaient plus vulnérables aux polluants ou aux changements radicaux de l’environnement. Dans les deux plaintes, on faisait valoir que l’article 7 de la Charte créait une obligation constitutionnelle de protéger le droit à un environnement sain.

Selon le résumé offert par climatecasechart.com au sujet de l’affaire La Rose :

Le 27 octobre 2020, un juge de la Cour fédérale a rejeté la poursuite des jeunes Canadiens contre le gouvernement du Canada dans une requête en radiation avant procès, car la partie plaignante n’avait pas réussi à énoncer une cause d’action raisonnable.

Une motion similaire a été avancée dans l’affaire Mathur, mais elle a été rejetée par la Cour supérieure de justice de l’Ontario et cette affaire n’a toujours pas été entendue.

Le dernier cas qui s’inscrit dans ce thème est l’affaire Lho’imggin et al. c. Her Majesty the Queen, lancée en février 2020 dans le contexte des barrages résultant de l’opposition de certains Wet’suwet’en au gazoduc Coastal GasLink. Les plaignants soutenaient que le Canada avait failli à ses obligations internationales d’après la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et que l’inaction du gouvernement sur le dossier du changement climatique avait causé des dommages irréversibles à leur mode de vie traditionnel et à leur territoire. Ils soutiennent aussi que le Canada « [...] a un devoir constitutionnel de maintenir la paix, l’ordre et la bonne gouvernance du Canada [...] ». La cause n’a pas encore été entendue.

Honorables sénateurs, je suis préoccupé par ce que j’ai entendu. Avec deux causes qui cherchent à définir ce que peut justifier le droit à un « environnement sain », il me semble prudent d’attendre avant d’introduire un tel droit dans la législation.

Cela me ramène à la nécessité de préserver la certitude conférée par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, que beaucoup ont célébré. Sur son site Web, Environnement et Changement climatique Canada décrit cette loi en disant qu’elle fournit :

[...] une approche prévisible et structurée pour la prise de décisions en matière de gestion des risques, qui prévoit l’ajout et la prise en compte complète des valeurs et des préoccupations de la population à toutes les étapes du processus décisionnel.

À mon avis, si nous convenons d’inscrire la reconnaissance officielle de ce droit dans un projet de loi afin d’indiquer clairement à l’industrie quelles sont les procédures et les politiques à suivre, nous devons d’abord nous assurer que nous comprenons bien ce droit. Nous ne devrions pas avoir à attendre des années avant qu’on nous dise comment faire respecter ce droit et quelles sont les mesures d’application auxquelles les Canadiens devraient s’attendre.

Honorables collègues, j’ai bien d’autres préoccupations à l’égard de ce projet de loi, mais il me reste trop peu de temps pour vous en faire part aujourd’hui. Je n’ai pas eu la chance de discuter de mes préoccupations concernant le risque de s’ingérer dans les champs de compétence des provinces et des territoires, et je n’ai pas le temps non plus de discuter en profondeur de mes préoccupations concernant le changement dans la façon dont certaines substances sont désignées comme étant « toxiques », ou comme étant « potentiellement toxiques », selon les termes de l’article 75.1.

Pour conclure, j’estime qu’il faut soumettre ce projet de loi à une étude approfondie et rigoureuse en comité. J’espère sincèrement que notre comité ne sera pas pressé lors de l’étude de ce projet de loi important, car, en ce qui me concerne, j’espère pouvoir obtenir plus de précisions et de garanties dans le cadre de ce processus.

Merci.

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole à propos du projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.

Comme vous le savez, je suis un partisan de longue date de l’industrie agricole. C’est ce que je connais le mieux. Comme vous vous en doutez probablement, je me concentrerai sur la façon par laquelle le projet de loi S-5 risque de toucher l’industrie agricole. Je crois comprendre que c’est la première fois que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement est modifiée depuis 1999. De toute évidence, comme le sénateur Kutcher l’a souligné plus tôt dans son discours, les choses ont bien changé depuis ce temps. Les choses ont bien changé dans le monde en général, mais aussi dans celui de l’agriculture, qui est devenu plus intelligent et plus branché que jamais. Les changements se poursuivent, et la communauté agricole est prête à emboîter le pas.

Cela étant dit, certains intervenants agricoles m’ont récemment appris l’existence de préoccupations mineures à propos de l’inclusion et de la formulation d’un principe de précaution dans le projet de loi, notamment parce qu’il suggère l’adoption d’une approche fondée sur les preuves et d’une approche de précaution.

Les membres de la communauté agricole se préoccupent du fait que généralement on adopte une approche de précaution en l’absence de données. À l’inverse, une approche fondée sur les preuves implique la présence de données probantes.

Même si la conciliation de la méthode du poids de la preuve et du principe de la prudence mentionnée dans le projet de loi n’est pas nouvelle, puisqu’il en est déjà question dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, il faut préciser comment cela s’appliquera aux substances potentiellement toxiques qui devront être prises en considération par cette loi aux termes du projet de loi à l’étude.

Il est important de souligner qu’il existe des directives sur la façon dont Environnement et Changement climatique Canada doit concilier ces deux approches. Toutefois, des intervenants agricoles ont souligné que, dans la mesure du possible, il est extrêmement important d’assurer un processus de prise de décision éclairée. Par ailleurs, je crois comme eux que les organismes de réglementation canadiens devraient pouvoir recueillir des éléments de preuve supplémentaires quand ceux existants sont jugés insatisfaisants.

En fin de compte, puisque ce projet de loi jouera un rôle important dans l’évaluation des substances présentes dans notre environnement, je crois que lorsqu’il manque de données, on devrait mettre en place des processus et des mécanismes législatifs pour en réclamer davantage. J’espère que les sénateurs se pencheront là-dessus au comité et examineront comment nous pouvons renforcer ce projet de loi pour assurer son efficacité.

(1610)

Une autre question qui inquiète particulièrement les joueurs du secteur agricole est celle des produits chimiques qui ne sont pas encore enregistrés comme pesticides et dont on ne sait pas encore s’ils seront visés par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999. Nous avons besoin de clarifications à ce sujet pour que les fabricants tiennent compte de la vitesse à laquelle évolue le marché de l’innovation et des outils qui soutiennent les producteurs d’aliments.

Vu le fardeau administratif, les agriculteurs craignent de subir une perte de compétitivité et un accès encore plus tardif aux innovations. En fait, chaque année où les agriculteurs canadiens sont privés des produits dont disposent nos principaux partenaires commerciaux, leur compétitivité et celle du Canada s’amoindrit un peu plus sur la scène mondiale. La santé et la sécurité revêtent une importance primordiale pour les agriculteurs, mais nous devons examiner la réglementation au Canada pour vérifier si elle tient compte efficacement de cette priorité dans l’optique de soutenir et de renforcer la compétitivité du secteur agricole canadien.

Une autre source de préoccupation soulevée par les joueurs du secteur agricole est énoncée à l’article k, où il est question :

d’élargir certains pouvoirs réglementaires, de collecte de renseignements et en matière de prévention de la pollution prévus par cette loi, notamment en faisant référence aux produits qui sont susceptibles de rejeter une substance dans l’environnement;

Selon la façon dont ces pouvoirs seront appliqués, nous pouvons nous demander s’ils auront une incidence sur les activités à la ferme. J’espère que les agriculteurs et la communauté agricole dans son ensemble seront consultés au sujet de cet article pour en évaluer les conséquences possibles.

Enfin, comme l’a souligné le sénateur Kutcher, des milliers de substances doivent faire l’objet d’une évaluation des risques, et un bon nombre de substances déjà évaluées peuvent nécessiter une réévaluation en raison de nouvelles utilisations, de nouvelles données scientifiques ou d’une exposition plus importante qu’au moment de l’évaluation initiale.

Cette situation pourrait ralentir le processus et retarder l’utilisation de ces substances, ce qui pourrait entraîner d’autres problèmes et préoccupations. Je me réjouis qu’on prenne le temps nécessaire pour comprendre les risques potentiels de ces substances, mais nous devons faire en sorte que le processus soit efficace.

Cela dit, des représentants du monde agricole ont exprimé leur soutien envers certains aspects du projet de loi, à savoir les efforts pour réduire, raffiner et remplacer les essais sur les animaux. Le milieu agricole a été un partenaire actif en prévision de ce changement, mais il ne peut pas y arriver sans un plus grand soutien du gouvernement.

Des représentants de Syngenta Canada, une entreprise agricole de premier plan qui offre des produits innovants, des conseils d’expert en matière d’agronomie et des services d’accompagnement pour avoir des pratiques de gestion optimales, m’ont parlé de leur travail concernant les essais sur les animaux. Ils m’ont dit que la communauté scientifique s’efforçait d’aider le gouvernement à prendre des décisions fondées sur des données scientifiques afin de protéger la santé humaine et environnementale en effectuant moins d’essais sur les animaux. C’est pourquoi Syngenta a collaboré avec de multiples organismes pour mettre au point des méthodes et des stratégies d’évaluation qui permettront au secteur agricole, au gouvernement et aux organismes de réglementation de prendre de meilleures décisions. En fait, certaines des méthodes qu’ils ont mises au point et défendues ont d’ores et déjà été autorisées par des organismes de réglementation.

J’ai longtemps fait partie de la communauté agricole, et à ce titre, j’ai pris la parole à maintes reprises au Sénat pour souligner la contribution de l’agriculture canadienne à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique.

Aux quatre coins du pays, les agriculteurs améliorent leurs pratiques afin qu’elles soient plus durables, notamment pour ce qui est de semer, de labourer et de préparer la terre, mais aussi de lutter contre les mauvaises herbes. Des pratiques comme la rotation des cultures ou l’utilisation de cultures de couverture permettent d’améliorer la santé des sols, de ralentir l’érosion et d’améliorer la matière organique des sols. Ces pratiques contribuent à la bonne santé des cultures et du bétail, ainsi qu’à celle de l’écosystème. Toutes ces initiatives nous permettent d’avoir un environnement plus sain et plus durable.

Dans le secteur agricole et agroalimentaire, le défi consistera à atténuer les gaz à effet de serre tout en s’adaptant aux conséquences des changements climatiques, mais sans mettre en péril la sécurité alimentaire. Pour ce faire, les producteurs agricoles et les transformateurs d’aliments canadiens auront besoin de l’aide du gouvernement pour effectuer la transition de leurs installations afin de les écologiser. Ils auront aussi besoin que le gouvernement continue de consulter l’industrie pour changer des pratiques et des procédures qui sont en application depuis des décennies.

Cela dit, j’aimerais féliciter le gouvernement du document de discussion qu’il a récemment publié concernant la réduction des émissions découlant de l’application d’engrais dans le secteur agricole canadien. Ce document se penche sur l’une des mesures proposées par le gouvernement dans son plan climatique renforcé, soit une cible nationale pour réduire les niveaux absolus d’émissions de gaz à effet de serre découlant de l’application d’engrais de 30 % sous les niveaux de 2020 d’ici 2030. Il s’agit d’une mesure importante. Bien que de nombreux intervenants du secteur agricole travaillent déjà à améliorer la gestion des éléments nutritifs et à réduire les émissions associées à la production végétale, il importe de souligner que les engrais sont responsables d’une part croissante des émissions agricoles globales.

J’ai été content de constater que le document parle de l’approche de gérance des nutriments 4B, élaborée par Fertilisants Canada, étant donné qu’elle a été soulevée par un grand nombre d’intervenants au cours de la première phase des consultations comme moyen de réduire les émissions. Il s’agit exactement du genre de collaboration et de consultation continue qui s’impose.

J’espère que les fonctionnaires d’Environnement et Changement climatique Canada, ainsi que ceux d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, continueront de consolider et d’approfondir les liens qu’ils entretiennent avec le milieu agricole canadien. Comme les agriculteurs et le milieu agricole dans son ensemble sont les gardiens de nos terres, ils doivent prendre part aux discussions sur la protection de l’environnement. Plus important encore, ils souhaitent y prendre part et participer aux efforts de protection des écosystèmes au Canada.

Honorables sénateurs, je suis heureux que des mesures soient prises pour mettre à jour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, surtout que les choses ont beaucoup changé depuis 1999, notamment notre compréhension de l’environnement. Cependant, comme je l’ai dit plus tôt, le milieu agricole a quelques préoccupations concernant le libellé et certaines mesures du projet de loi S-5, et nous croyons tous que ces questions devraient être étudiées plus en détail par le comité et par le gouvernement. En outre, j’ai bon espoir que cette étude débouchera sur des amendements au projet de loi au comité, soit avant qu’il soit renvoyé à l’autre endroit.

Nous sommes tous conscients que le monde continue de changer. Ces changements amènent des transformations dans les secteurs de l’industrie, de la science et de l’environnement. J’espère que le projet de loi S-5 donnera aux Canadiens un plan réfléchi et intégré pour l’évaluation des substances, pour autant que ce plan demeure axé sur l’approche fondée sur les risques.

J’espère également que les secteurs public et privé, ainsi que les Canadiens ordinaires, continueront de travailler aux côtés de l’industrie agricole et de la soutenir dans ses efforts d’adaptation à un environnement en évolution et dans sa volonté d’améliorer et de perfectionner ses pratiques. Il ne suffit pas de dire aux agriculteurs ce qu’il faut faire pour rendre leurs exploitations plus vertes et plus respectueuses de l’environnement. Cela doit s’inscrire dans le cadre d’une collaboration qui permettra au secteur agricole canadien de rester dynamique pour les générations à venir.

Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kutcher, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative suppléante du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 6 avril 2022, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 26 avril 2022, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1620)

Projet de loi sur la réaffectation des biens bloqués

Adoption du deuxième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

Le Sénat passe à l’étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (projet de loi S-217, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre, avec des amendements), présenté au Sénat le 5 avril 2022.

L’honorable Peter M. Boehm propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour expliquer les amendements au projet de loi S-217 qui ont été adoptés par le comité.

Le projet de loi S-217, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre, aussi appelé Loi sur la réaffectation des biens bloqués, a été renvoyé au comité le 1er mars après avoir été présenté au Sénat le 24 novembre 2021 par la sénatrice Omidvar.

Le comité a amorcé son étude le 24 mars et a accueilli trois groupes de fonctionnaires et d’experts au cours de deux réunions. Nous avons terminé l’étude article par article le 31 mars.

Je tiens à remercier tous les témoins, en particulier la marraine du projet de loi, ainsi que tous les membres et le personnel du comité du travail qu’ils ont effectué pour permettre au comité de s’acquitter de ses fonctions efficacement et rapidement. C’était très important, honorables sénateurs, compte tenu des graves conflits géopolitiques, des guerres et des crises humanitaires et des réfugiés que nous voyons partout dans le monde.

Honorables sénateurs, comme on peut le lire dans le sommaire du projet de loi S-217, le projet de loi :

[...] prévoit la production de rapports sur les biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre au titre de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, la Loi sur les mesures économiques spéciales et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), ainsi que leur aliénation.

Le comité a adopté deux amendements en fonction des recommandations des témoins experts. Les deux ont été proposés par la sénatrice Coyle et ont été pleinement appuyés par la marraine du projet de loi, la sénatrice Omidvar. Le premier amendement porte sur l’article 2, et le deuxième, sur l’article 6.

Au bout du compte, chers collègues, les deux amendements renforcent le projet de loi en harmonisant son libellé et les conditions liées à la réaffectation des biens avec ce qui se trouve dans sa loi habilitante, la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou LMES.

Ces amendements, s’ils sont approuvés par le Sénat, permettront de garantir que les tribunaux chargés de la réaffectation des biens bloqués au Canada soient en mesure de le faire complètement et dans l’esprit fondamental du projet de loi S-217. Par conséquent, je propose que le rapport soit adopté.

Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie

Adoption du cinquième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Le Sénat passe à l’étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi S-209, Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie, avec un amendement), présenté au Sénat le 5 avril 2022.

L’honorable Ratna Omidvar propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, le projet de loi S-209, Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie, désignerait le 11 mars de chaque année comme le Jour commémoratif de la pandémie. Le projet de loi S-209 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie le 9 décembre 2021. Lors de deux réunions, le comité a entendu la marraine du projet de loi S-209, notre collègue l’honorable sénatrice Mégie, ainsi que huit témoins représentant six organismes différents. Au nom du comité, je tiens à remercier la marraine et tous les témoins qui nous ont aidés dans le cadre de notre étude du projet de loi.

À la lumière des témoignages reçus, le comité recommande un amendement visant à renforcer le préambule du projet de loi, en reconnaissant explicitement l’effet disproportionné de la pandémie sur certaines populations et en précisant l’objectif du Jour commémoratif de la pandémie. De nombreux témoins ont discuté de l’impact disproportionné de la pandémie de COVID-19 sur les populations vulnérables, y compris les peuples autochtones, les communautés racisées, les aînés et les membres de la communauté LGBTQ2+. Le comité a également saisi l’importance de valider diverses expériences vécues au moyen d’un libellé plus précis.

Le préambule modifié reconnaît maintenant les effets multidimensionnels de la pandémie sur chaque personne au Canada, en plus d’affirmer que cette pandémie a aggravé les diverses formes d’inégalité au Canada et qu’elle a eu un effet disproportionné sur les personnes vulnérables au sein de la société et les membres de groupes historiquement défavorisés.

La marraine du projet de loi, la sénatrice Mégie, a dit au comité que le Jour commémoratif de la pandémie aurait trois objectifs : le rétablissement, le souvenir et la préparation à l’avenir. Des témoins ont déclaré au comité qu’ils appréciaient ces objectifs et qu’ils devraient figurer de manière plus explicite dans le projet de loi.

Le préambule, tel qu’il a été amendé, insiste sur le fait que le Jour commémoratif de la pandémie donnerait aux Canadiens l’occasion de commémorer les efforts déployés pour traverser la pandémie, de se souvenir de ses répercussions et de réfléchir aux moyens de mieux se préparer à des pandémies futures.

Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Mégie, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement

Adoption du premier rapport du Comité des droits de la personne

Le Sénat passe à l’étude du premier rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 6 avril 2022.

L’honorable Salma Ataullahjan propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, le comité a présenté son rapport, qui contient trois amendements. Je vais vous présenter les effets de ces amendements. Le projet de loi S-211 contribuera à la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants en obligeant certaines entités du secteur privé et institutions gouvernementales à rendre des comptes. Des mesures législatives semblables en matière de transparence des chaînes d’approvisionnement ont déjà été adoptées par d’autres États, dont le Royaume-Uni et l’Australie.

L’approche de la transparence encourage l’adoption de bonnes pratiques en fournissant aux consommateurs, aux actionnaires et aux autres parties prenantes les renseignements nécessaires à une prise de décision éclairée. Les articles 6 et 11 du projet de loi S-211 énumèrent les renseignements précis que doivent contenir les rapports annuels. Ces renseignements sont semblables pour les entités du secteur privé et les institutions gouvernementales. Ils comprennent, sans s’y limiter, de l’information sur les politiques pertinentes, les processus de diligence raisonnable, la formation des employés et les mesures prises pour remédier à tout recours au travail forcé ou au travail des enfants. Le comité a entendu plusieurs témoins affirmer que le travail forcé et le travail des enfants découlent de problèmes socioéconomiques complexes. En effet, on a souvent recours au travail des enfants là où ceux-ci doivent travailler pour aider leur famille à survivre. Même si ce projet de loi à lui seul ne peut pas régler ces problèmes complexes, il constitue un point de départ qui vise à encourager de meilleures pratiques tant par les entités du secteur privé que par les institutions gouvernementales.

Les deux premiers amendements élargissent les exigences déjà énoncées aux articles 6 et 11 afin de fournir de l’information sur les mesures d’atténuation. Ces amendements auront pour effet d’obliger les entités privées et les institutions gouvernementales à préparer un rapport annuel sur toutes les mesures prises expressément pour remédier à la perte de revenus chez les familles les plus vulnérables touchées par les mesures de lutte contre le travail forcé ou le travail des enfants.

Le but de ces amendements est d’inciter les entreprises et les gouvernements à prendre en considération les répercussions de leurs chaînes d’approvisionnement sur les familles vulnérables et, idéalement, d’aller plus loin que de simplement éviter de recourir au travail forcé et au travail des enfants.

(1630)

Grâce à la transparence exigée à l’égard des pratiques exemplaires applicables aux mesures de remédiation, les parties prenantes auront l’information nécessaire pour soutenir les entités saines, ce qui incitera les autres entités à adopter de meilleures pratiques.

Finalement, en ce qui concerne les entités privées assujetties à la loi, l’article 11 exige que chaque membre du corps dirigeant d’une entité signe les rapports annuels. Quant au troisième amendement proposé par le comité, il s’agit d’un point technique pour supprimer l’exigence d’apposer toutes les signatures à la main. Ce changement aura pour effet d’autoriser les signatures électroniques, ce qui simplifiera le processus de préparation des rapports.

J’aimerais profiter de l’occasion pour remercier tous les témoins qui ont participé aux réunions du comité.

Je tiens aussi à féliciter la sénatrice Miville-Dechêne d’avoir rédigé ce projet de loi. C’est le premier pas vers la fin du travail forcé et du travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Miville-Dechêne, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi concernant la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi concernant la Déclaration sur le rôle essentiel des artistes et de l’expression créatrice au Canada.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Bovey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

[Français]

La Loi sur le gouverneur général

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Claude Carignan propose que le projet de loi S-221, Loi modifiant la Loi sur le gouverneur général (pension de retraite et autres prestations), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il s’agit d’un projet de loi assez complexe, et je dois réviser mes notes. Je propose donc l’ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi interdisant les armes à sous-munitions

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Salma Ataullahjan propose que le projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai appris l’existence des armes à sous-munitions dans les années 1980, lorsque les troupes russes ont largué des armes à sous-munitions sur l’Afghanistan, laissant la campagne criblée d’engins non explosés jusqu’à ce jour.

Le projet de loi S-225, Loi interdisant les investissements dans les armes à sous-munitions, crée une disposition dans la Loi interdisant les armes à sous-munitions pour interdire les investissements dans une entité qui a enfreint une interdiction visant les armes à sous-munitions, les sous-munitions explosives et les petites bombes explosives.

Les armes à sous-munitions sont des armes conçues pour transporter et disperser de multiples sous-munitions ou petites bombes. Ces armes peuvent être larguées d’un avion ou tirées depuis le sol ou la mer par des roquettes ou des pièces d’artillerie. Elles sont conçues pour s’ouvrir en plein vol et libérer de dizaines à des milliers de sous-munitions qui ont la capacité de saturer sans discrimination une zone au sol pouvant atteindre la taille de plusieurs terrains de football. Toute personne se trouvant dans la zone de frappe des armes à sous-munitions, qu’elle soit militaire ou civile, a de fortes chances d’être tuée ou grièvement blessée.

De plus, toute munition qui ne s’active pas à l’atterrissage se transforme en mine terrestre, ce qui constitue une menace pour la population non seulement sur le coup, mais aussi pendant des décennies après la fin du conflit ou jusqu’à ce que les bombes aient été enlevées et détruites.

C’est la deuxième fois que je présente ce projet de loi. La fois où il a été le plus près de se concrétiser fut au cours de la première session de la quarante-deuxième législature, en juin 2017.

Je tiens à remercier la sénatrice Jaffer et l’ancienne sénatrice Hubley de leurs interventions dans le débat sur ce projet de loi en 2017. Vos réflexions, vos observations et vos expériences personnelles m’ont encouragée à redoubler d’efforts pour que l’on mette fin aux investissements dans les armes à sous-munitions au Canada.

Ma famille a été témoin des ravages causés par ces armes. Au plus fort de l’invasion de l’Afghanistan par la Russie, mon oncle, qui était chirurgien orthopédiste à Peshawar, au Pakistan, a traité d’innombrables victimes des armes à sous-munitions qu’on tentait désespérément de transporter en dehors de l’Afghanistan par tous les moyens, que ce soit à pied, à dos d’âne, en camionnette, en voiture ou en autobus, afin de les faire soigner.

Bien des années plus tard, des armes à sous-munitions tuent encore des gens en Afghanistan. Malheureusement, je crains que cette forme de violence dont nous avons été témoins par le passé puisse refaire surface en Ukraine.

Il y a quelques semaines, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a annoncé que, selon l’information crédible qu’il avait reçue, des forces russes auraient employé des armes à sous-munitions à plusieurs reprises dans des régions peuplées de l’Ukraine. La Cour pénale internationale a depuis ouvert une enquête sur de possibles crimes de guerre, et les témoignages recueillis auprès de personnes qui auraient survécu à des attaques à la bombe à sous-munitions sont à glacer le sang. Des experts croient également que de petites bombes à sous-munitions ont été employées lors d’une attaque ciblant une école maternelle dans la ville d’Okhtyrka.

Ces armes ne connaissent aucune frontière et elles ne font pas la différence entre les civils et les soldats en service actif. Des armes à sous-munitions ont été utilisées durant le conflit du Karabakh, qui a pris fin en novembre 2020. Encore là, les attaques perpétrées avec des armes à sous-munitions ont fait des victimes civiles, comme c’est le cas en Ukraine à l’heure actuelle.

À cet égard, le Bureau des affaires du désarmement des Nations unies a indiqué clairement que tous les types d’armes à sous‑munitions causent des dommages inacceptables aux civils.

(1640)

Selon le Comité international de la Croix-Rouge, les armes à sous-munitions étant généralement à chute libre, elles peuvent frapper largement en dehors du périmètre cible si elles ne sont pas correctement utilisées ou qu’il y a du vent.

Pire encore, un grand nombre d’armes à sous-munitions n’éclatant pas comme prévu, elles peuvent empêcher ou entraver considérablement le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du territoire. La menace latente de ces armes gêne également les efforts humanitaires, de paix et de développement, y compris le déminage et le désamorçage des armes à sous-munitions.

Travis était un caporal du Corps des Marines des États-Unis déployé en Irak. Après la fin des combats les plus durs, il décida de rester et de se porter volontaire pour l’enlèvement des bombes à sous-munitions qui n’avaient pas explosé ainsi que des mines terrestres. Le 2 juillet 2003, il a été tué par une arme à sous‑munitions qui n’avait pas explosé. Sa mère, Lynn, dénonce maintenant en ces termes l’utilisation des armes à sous-munitions :

Si même les militaires les mieux formés peuvent accidentellement être victimes de ces armes, comment pouvons-nous espérer que des civils retournent sur ces terrains parsemés de ces munitions sans en être victimes?

Honorables sénateurs, voilà notre plus grande crainte à propos du conflit en Ukraine.

Malgré la mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous‑munitions dans 26 États membres, qui ont depuis détruit leurs réserves d’armes à sous-munitions, il reste de nombreux obstacles à surmonter pour mettre fin à l’utilisation de ce type d’armes. Un total de 16 producteurs d’armes à sous-munitions ne se sont pas encore engagés à arrêter leur production, dont la Chine et la Russie. Par conséquent, des armes qui ne peuvent faire la distinction entre les combattants et les civils sont encore fabriquées et utilisées dans des conflits actifs un peu partout dans le monde et font qu’un nombre disproportionné de civils sont gravement blessés ou tués chaque année.

Selon l’Observatoire des mines et des armes à sous-munitions, au moins 360 personnes ont péri ou ont été blessées à la suite d’attaques commises avec des bombes à sous-munitions en 2020. Les restes de bombes à sous-munitions ont fait cinq fois plus de victimes que les attaques réelles. On a constaté avec tristesse que toutes les victimes recensées étaient des civils, dont près de la moitié étaient des enfants.

Les enfants courent un risque particulièrement élevé d’être victimes d’armes à sous-munitions, car ils confondent souvent avec des jouets les sous-munitions non explosées se trouvant sur le sol. En fait, les sous-munitions utilisées en Afghanistan avaient l’apparence de jouets attrayants que les enfants étaient tentés d’aller ramasser. L’Observatoire des mines et des armes à sous-munitions estime que 44 % des victimes de bombes à sous-munitions dans le monde sont des enfants. Le nombre d’enfants blessés ou tués par ces armes a augmenté depuis la dernière fois que j’ai parlé de ce projet de loi.

Comme je viens de le mentionner, attirés par leurs couleurs vives et leur apparence de jouet, les enfants activent souvent les munitions qui n’ont pas explosé en les prenant dans leurs mains, comme l’a fait Emam, 4 ans, qui est décédée des blessures qu’elle a subies après avoir ramassé une mini-bombe à sous-munitions, en 2016, à Alep-Est.

Le Canada a été parmi les premiers pays à signer la Convention sur les armes à sous-munitions en 2008. En septembre 2021, 110 États parties au total adhéraient aux interdictions complètes imposées par la convention. La convention, qui est entrée en vigueur le 1er août 2010, est le seul instrument international destiné à mettre un terme aux souffrances causées par les armes à sous‑munitions.

En 2015, le Canada a ratifié la convention et promulgué la Loi interdisant les armes à sous-munitions. Pourtant, la loi actuelle ne reflète pas notre engagement international et elle ne respecte pas les normes de la convention.

En septembre 2021, la Coalition contre les armes à sous‑munitions, un mouvement international de la société civile qui fait campagne pour éradiquer ces armes et les empêcher de causer encore plus de tort, a rapporté que six institutions canadiennes avaient investi un total de 5,75 millions de dollars américains dans des entreprises qui fabriquent des armes à sous-munitions.

Quand j’ai lu ce rapport, j’ai été choquée de découvrir que des institutions financières canadiennes continuaient d’investir dans la production de ces armes de guerre insidieuses et ce, après la publication d’un autre rapport en 2016 par le groupe néerlandais pour la paix PAX, qui avait révélé que quatre institutions financières canadiennes avaient investi 565 millions de dollars dans la fabrication d’armes à sous-munitions.

Honorables sénateurs, je crois que cela prouve que la mise au pilori d’institutions canadiennes continuant d’investir dans la fabrication d’armes à sous-munitions n’est pas suffisante pour respecter les engagements que nous avons pris aux termes de la convention. Nous avons besoin de mesures législatives plus rigoureuses. Sinon, il serait hypocrite de notre part de nous vanter du travail humanitaire accompli par notre pays à l’étranger.

J’ai été agréablement surprise d’apprendre que le processus et la substance de la Convention sur les armes à sous-munitions s’inspirent de la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel, qui est entrée en vigueur à la fin des années 1990.

Le Canada a subitement mis fin à ses efforts pour éliminer les armes à sous-munitions au Laos en 2012, après avoir investi plus de 2 millions de dollars à cette fin entre 1996 et 2011. Par habitant, le Laos est le pays le plus gravement touché par les armes à sous-munitions. Il s’agit d’un héritage de la guerre du Vietnam, qui n’est pas unique au Laos. En effet, 29 pays demeurent contaminés par des armes à sous-munitions. En 2020, on a enregistré des décès attribuables aux restes d’armes à sous-munitions dans six autres pays, soit l’Afghanistan, le Cambodge, l’Irak, le Soudan du Sud, la Syrie et le Yémen. Malheureusement, je pense que nous ajouterons maintenant l’Ukraine à cette liste.

En continuant d’autoriser les institutions canadiennes et, par leur entremise, nos compatriotes à investir dans la fabrication d’armes à sous-munitions, nous sommes complices de ces morts et de ces blessures évitables.

Honorables sénateurs, l’investissement éthique est une question qui a gagné en importance aux yeux des Canadiens. En effet, 70 % des Canadiens croient qu’il est important d’investir dans des entreprises ayant un rendement solide sur le plan environnemental et social, ainsi que sur le plan de la gouvernance.

Les investisseurs canadiens eux-mêmes réclament une clarification de la question de l’investissement dans les armes à sous-munitions compte tenu de l’absence d’interdiction définitive dans la législation actuelle. Plusieurs personnes à qui j’ai parlé de ce projet de loi ont été surprises d’apprendre que notre législation ne prévoit pas l’interdiction explicite des investissements dans les entreprises qui fabriquent des armes à sous-munitions. De plus, ces personnes se sont dites très inquiètes que les institutions financières auxquelles elles ont confié leurs investissements puissent investir leur argent dans ce genre d’armes.

Choisir d’investir dans les compagnies qui produisent les armes à sous-munitions, c’est approuver des armes qui causent des dommages dévastateurs, surtout aux civils. Ces armes sont inhumaines et tuent au hasard; aucune institution financière canadienne ne devrait y investir. En outre, en tant qu’armes interdites, elles représentent un très mauvais investissement. Au fur et à mesure qu’un nombre croissant de pays ont ratifié la convention, on a pu constater que le marché pour ce genre d’armes a commencé à s’affaisser — une tendance qui se maintiendra, je l’espère.

Si les ressources financières nécessaires pour fabriquer ces armes n’étaient plus disponibles pour les compagnies qui les produisent, ce serait une étape de plus vers la suppression complète des armes à sous-munitions. Ensemble, nous pouvons améliorer considérablement la protection des civils dans les conflits armés et les efforts de reconstruction, conformément à l’esprit de la convention.

Un article subséquent de la convention prévoit que les obligations juridiques aux termes de la convention ne peuvent faire l’objet de réserves. Elles doivent être acceptées intégralement, sans exception. J’aimerais également mentionner que le Canada a joué un rôle de chef de file dans la rédaction de l’article 21, qui établit des limites claires concernant l’interopérabilité. Les Nations unies, la France, la Belgique ainsi que d’autres pays membres et non membres de l’OTAN accordent une grande importance à l’interopérabilité et n’ont pas de telles exceptions dans leurs lois respectives.

Comme l’a déclaré l’ancienne sénatrice Hubley en 2017, la Loi interdisant les armes à sous-munitions, dans sa forme actuelle, ne va pas assez loin. Le projet de loi S-225 vise à harmoniser la Loi interdisant les armes à sous-munitions à l’esprit de la convention. En interdisant explicitement les investissements dans la fabrication d’armes à sous-munitions, nous établirions des lignes directrices claires à l’intention des institutions financières canadiennes, lesquelles avaient accueilli favorablement l’idée il y a plus d’une décennie. Le projet de loi S-225 élimine d’autres lacunes en interdisant aux institutions financières canadiennes de prêter de l’argent à ces entités ou même de leur fournir une garantie de prêt.

Cette loi présente d’importantes lacunes et a fait l’objet de critiques de la communauté internationale. En 2014, lorsque le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a étudié le projet de loi C-6, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions, il a entendu près de 30 témoins. Outre la nécessité d’une interdiction formelle des investissements dans les entreprises productrices d’armes à sous-munitions, un article sur les opérations militaires conjointes a également suscité de nombreuses inquiétudes. Cette loi a aussi été décriée publiquement par le Comité international de la Croix-Rouge, et la Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres l’a présentée comme la pire loi de tous les États parties à la convention. Autrement dit, la loi ne respecte pas les normes de la convention.

De nombreux pays, dont des pays où s’applique la common law, ont déjà adopté des lois interdisant les investissements dans les entreprises qui produisent des armes à sous-munitions. L’un des moyens les plus efficaces pour mettre fin purement et simplement à la production d’armes à sous-munitions est de rompre tout lien financier avec les entreprises qui les produisent. Seule une loi explicite et ferme peut permettre cela.

(1650)

En 2016, l’ancien ministre des Affaires étrangères, l’honorable Stéphane Dion, était optimiste quant au rôle du Canada dans le désarmement et la consolidation de la paix. Dans un discours qu’il a prononcé à l’occasion d’une conférence soulignant le 20e anniversaire du début du processus d’Ottawa, il a déclaré :

Sous la direction de Justin Trudeau, le Canada redeviendra un chef de file en matière de désarmement, un chef de file qui travaille en collaboration avec ses partenaires internationaux pour parvenir à des changements pragmatiques, mais importants [...]

Le Canada, en tant qu’architecte résolu de la paix, est déterminé à faire de cette possibilité une réalité.

Honorables sénateurs, le Canada a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre les mines antipersonnel, mais aujourd’hui, il a perdu le cap. L’avenir qu’avait imaginé l’honorable M. Dion ne s’est pas concrétisé sous le gouvernement actuel.

Ce projet de loi est notre chance de mener le combat contre la production et l’utilisation des armes à sous-munitions en raréfiant les ressources financières nécessaires pour la fabrication de ces armes. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)

La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson, appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).

Je me souviens très bien de ce jour où, il y a trois ans, j’ai reçu un message d’Ottawa me demandant de fournir la preuve que je me qualifiais pour le poste de sénatrice en démontrant que je possédais des biens immobiliers d’une valeur de 4 000 $.

Il se trouve que j’étais en vacances à l’extérieur du pays. J’ai dû me dépêcher pour rassembler tous les documents nécessaires prouvant que j’étais propriétaire de ma maison. J’ai dû fournir un certificat de titre foncier provenant du bureau d’enregistrement des titres fonciers de l’Alberta. J’ai dû fournir un avis d’évaluation municipale de la Ville d’Edmonton. J’ai dû fournir une copie du contrat hypothécaire avec ma banque, ainsi qu’une copie de mon permis de conduire de l’Alberta pour prouver que l’adresse officielle de mon domicile correspondait bien à celle inscrite sur tous les autres documents, tout cela pour prouver que je vivais bien dans la maison que je possédais.

J’ai été chanceuse. Je possédais bien la petite maison dans laquelle je vivais. Pendant que mon avocat et moi nous démenions pour rassembler tous les documents nécessaires le plus rapidement possible, je me suis demandé pourquoi exactement cette exigence de posséder des biens immobiliers d’une valeur de 4 000 $ était toujours en vigueur.

Comme je parle du Sénat à beaucoup de groupes scolaires et qu’on me pose souvent cette même question, j’ai entrepris d’y trouver une réponse. Voici en partie ce que je dis aux étudiants lorsqu’ils m’interrogent à ce sujet.

Pour comprendre l’origine de la qualification en matière de propriété immobilière, il faut avoir une idée du tumulte qui régnait dans les années 60. Je parle ici des années 1860 et non 1960.

Dans les années 1860, le pouvoir politique connaît des bouleversements fondamentaux. L’empire russe libère ses serfs et les États-Unis abolissent l’esclavage. Le Mexique se débarrasse des occupants représentant la France impériale et exécute son empereur français, Maximilien 1er. L’Espagne détrône la reine Isabelle pendant la révolution qu’on appellera « la Glorieuse ». L’Italie devient un pays libre et uni, grâce au leadership révolutionnaire de Giuseppe Garibaldi.

En 1867, Karl Marx publie Le Capital. C’est l’année du soulèvement des Fenians en Irlande. Du côté britannique, c’est l’année où le gouvernement du premier ministre Benjamin Disraeli signe la deuxième loi de réforme, qui accorde le droit de vote à un million de nouveaux électeurs britanniques, dont des milliers de travailleurs urbains. Cette loi vient ainsi doubler le nombre d’hommes qui ont le droit de vote.

C’est dans ce contexte que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique est rédigé et que le Canada devient un pays. Il faut le savoir pour comprendre pourquoi nous avons un Sénat et pourquoi l’un des principaux critères à satisfaire pour devenir sénateur était d’être propriétaire d’une superficie considérable de terres.

Rappelons que, si la somme de 4 000 $ peut paraître négligeable de nos jours, la valeur de 4 000 $ qu’on exigeait à l’époque correspondrait maintenant à une valeur d’environ 1 million de dollars.

À une époque de bouleversement social où des révoltes prolétaires éclataient partout dans le monde, une époque où les élites s’inquiétaient avec raison de leur avenir, il n’est pas surprenant que les architectes de la Confédération canadienne aient eu le souhait d’établir une forme de gouvernement qui protégerait les intérêts des propriétaires terriens et des mieux nantis.

Après tout, le Canada aurait pu avoir un système de gouvernement monocaméral, comme c’est le cas dans les provinces, avec pour seule chambre la Chambre des communes. Au contraire, les autorités responsables ont opté pour un système bicaméral muni d’une chambre haute basée sur la Chambre des lords britannique, ce qui a permis de préserver les droits de la bourgeoisie terrienne héréditaire. Seulement, bien entendu, les quatre colonies qui formaient le noyau du Canada n’avaient pas de ducs, de barons ou de comtes. Nous n’avions aucune noblesse héréditaire, hormis une poignée de résidents étrangers entretenus.

Comme le Canada ne pouvait pas avoir une Chambre des lords, on a décidé qu’il aurait un Sénat, une chambre haute portant le nom du Sénat de la Rome antique.

Qui seraient nos sénateurs? Eh bien, la racine latine du mot « Sénat » est senex, qui signifie « vieil homme ». Nos sénateurs seraient donc de vieux hommes.

Dans la Rome antique, les sénateurs étaient nommés et non élus. Ils étaient aussi censés être des hommes au caractère exceptionnel représentant les vertus civiles romaines. Ils devaient être des hommes pleins de gravitas, de dignitas et d’humanitas.

À l’époque de la République romaine, les sénateurs devaient aussi être riches, ou au moins indépendants de fortune, puisque les fonctions des sénateurs romains n’étaient pas rémunérées. C’est l’empereur romain Auguste qui a ajouté un critère lié à la propriété en décrétant qu’aucun homme ne pouvait siéger au Sénat à moins de posséder une propriété d’une valeur de 1 200 000 sesterces.

Il serait probablement insensé d’essayer de déterminer à quel montant cela correspondrait en devises d’aujourd’hui, mais selon les estimations de certains, 1 million de sesterces équivaudraient aujourd’hui à environ 1 million de dollars, mais je dirais que c’est à prendre avec un grain de sel, et l’expression est bien choisie, puisque les mots « salaire » et « sel » ont la même racine latine.

Retournons en 1867. Je pense pouvoir dire que les concepteurs de notre système parlementaire bicaméral voulaient précisément que le Sénat du Canada ressemble au Sénat romain, dans la mesure où ils voulaient que les gens nommés au Sénat du Canada représentent les riches et les propriétaires terriens. En effet, lors de la toute première législature, les 72 premiers sénateurs du pays étaient de riches seigneurs, commerçants, banquiers, exploitants agricoles et autres riches propriétaires terriens. De plus, d’après leurs photos, on pourrait croire que le port de gigantesques favoris ou d’une énorme moustache était aussi une condition d’emploi. Jamais la pilosité faciale de l’époque victorienne n’aura été portée avec autant de panache.

Mes amis, nous ne sommes plus en 1867. Victoria n’est plus sur le trône, ni l’empereur Auguste. Notre Constitution est comme un arbre vivant capable de croissance et d’expansion à l’intérieur des limites naturelles. Elle fait partie d’un processus d’évolution continue.

Voilà ce que lord Sankey, lord chancelier de la Grande-Bretagne, a écrit en 1929 quand il a déclaré, dans le cadre de l’affaire « personne », que les Canadiennes avaient le droit de siéger au Sénat du Canada. Il s’agissait d’un changement radical aux règles de qualification. Cinq Albertaines remarquables, imparfaites et inébranlables — Henrietta Muir Edwards, Louise McKinney, Irene Parlby, Nellie McClung et Emily Murphy — ont mené cette lutte qui a changé à jamais la composition du Sénat.

Cairine Wilson fut la première femme nommée au Sénat, en 1930. Bien qu’il ait fallu beaucoup de temps pour y parvenir, nous avons maintenant atteint la parité des genres au Sénat.

Il existe donc bel et bien un précédent lorsqu’il s’agit de changer les règles de qualification pour siéger au Sénat. En 2022, il est anachronique, voire offensant, de considérer cette enceinte comme la défenseure des droits des riches propriétaires fonciers.

Le sénateur Patterson a déjà très bien expliqué comment les dispositions liées à la propriété défavorisent les habitants du Nunavut, où la propriété d’une grande partie des terres est commune, et ceux qui vivent dans les réserves des Premières Nations ou des établissements métis.

En 2022, lorsque n’importe qui peut présenter sa candidature pour devenir sénateur, ce serait tout à fait inadmissible d’avoir un système qui permettrait de faire ce genre de discrimination envers les Autochtones.

Ce ne sont pas seulement les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada qui ne peuvent présenter leur candidature pour devenir sénateur selon les règles actuelles. Vu les prix astronomiques des propriétés à Vancouver et à Toronto, l’accès à la propriété dans certaines des grandes villes canadiennes pourrait bientôt être hors de portée de toute une génération. Si nous vivions dans un monde où les citadins les plus favorisés sont locataires, et non pas propriétaires, nous pourrions écarter une foule de Canadiens talentueux des postes de sénateur.

Je vais citer un très grand sénateur d’Edmonton, le merveilleux et regretté Tommy Banks. Voici une anecdote cocasse que Banks a relatée dans un discours qu’il a prononcé au Sénat et que l’on peut lire dans le hansard de janvier 2009 :

On raconte qu’un aspirant sénateur, voulant répondre aux questions requises, avait fait l’acquisition d’un lot au cimetière, et que cette démarche n’avait pas été considérée comme entièrement admissible.

Il a ajouté :

Il est arrivé dans le passé que des personnes qui souhaitaient être nommées au Sénat achètent le garage de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas une blague.

C’est une expérience ridicule, dépassée et qui n’a pas sa place dans les conditions pour être nommé au Sénat au XXIe siècle [...]

Ce à quoi je dis : bravo!

[Français]

Cela dit, l’adoption de l’amendement du sénateur Patterson ne sera pas une tâche simple. Oui, la Cour suprême a statué en 2014 qu’un tel amendement peut être fait unilatéralement par le Parlement fédéral, sans l’accord des provinces.

Cependant, il faut également noter que le Québec est dans une situation particulière. C’est la seule province où les sénateurs sont affectés à certaines régions de la province et sont tenus de posséder des biens dans ces divisions. Selon le raisonnement de la Cour suprême, nous ne pouvons pas vraiment faire cela tant que le gouvernement du Québec n’a pas donné son accord.

(1700)

En vérité, je ne vois vraiment aucune raison pour que le Québec s’y oppose, étant donné que ces articles sont si archaïques qu’ils n’incluent même pas la moitié nord de la province. Bien sûr, je ne peux pas parler pour le Québec, mais je crois qu’il sera difficile pour nous d’aller de l’avant sans que le Québec soit consulté.

[Traduction]

Cela dit, j’aimerais remercier le sénateur Patterson d’avoir repris le flambeau de mon prédécesseur d’Edmonton, le sénateur Banks. Il est temps de trouver un moyen d’éliminer l’exigence foncière, que l’on pourrait certainement qualifier de ségrégationniste, voire de raciste, et de veiller à ce qu’aucun candidat autrement qualifié ne soit empêché de postuler au Sénat simplement parce qu’il n’est pas « propriétaire terrien ».

Si nous craignons de rompre la tradition et de manquer de respect envers notre histoire, eh bien, permettez-moi de citer un autre empereur romain, l’empereur Claude.

En 48 après Jésus-Christ, Claude a choqué le Sénat de l’Empire romain en décidant de nommer des sénateurs issus de la Gaule, territoire que l’on appelle aujourd’hui la France. De nombreux sénateurs étaient scandalisés à l’idée de nommer ces barbares français issus des provinces au Sénat de Rome.

Selon les Annales de Tacite, l’empereur avait ceci à dire en réponse à ces Romains bornés :

Pères conscrits, les plus anciennes institutions furent nouvelles autrefois. Le peuple fut admis aux magistratures après les patriciens, les Latins après le peuple, les autres nations d’Italie après les Latins. Notre décret vieillira comme le reste, et ce que nous justifions aujourd’hui par des exemples servira d’exemple à son tour.

Honorables sénateurs, si l’institution à laquelle nous devons notre nom a pu s’adapter à son époque et accepter en son sein de nouveaux membres méritants qui ne répondaient pas aux critères d’admissibilité dépassés, je crois que nous devrions être en mesure de faire de même.

Comme dit l’adage : « À Rome, faites comme les Romains. »

Merci, hiy hiy et gratias.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marty Deacon : Merci pour cette divertissante rétrospective historique, sénatrice Simons. Je pense qu’il est très important d’en tenir compte dans le contexte de ce projet de loi.

Ma question concerne cette rétrospective historique détaillée que vous avez menée jusqu’à l’époque du sénateur Banks et de son travail à ce sujet.

Au cours de vos recherches, en dehors des éventuels problèmes pour que le Québec accepte ce changement, avez-vous découvert d’autres points qui pourraient nous empêcher d’aller de l’avant concernant le dernier argument de votre discours? Serons-nous confrontés à d’autres obstacles?

La sénatrice Simons : Je pense qu’il y a des choses à prendre en compte, notamment le fait qu’il est important que nous vivions dans la province que nous représentons.

J’ai parlé à un professeur de droit constitutionnel, Eric Adams, qui est vice-doyen de la Faculté de droit de l’Université de l’Alberta. Je lui ai demandé si la suppression de l’exigence de posséder une propriété pourrait faciliter les choses pour ceux qui voudraient mentir sur leur lieu de résidence.

Il m’a demandé alors si cette exigence obligeait effectivement les personnes à résider à l’endroit déclaré. Force est de reconnaître que la réponse est non. Il a ajouté que si cette exigence ne constituait pas une garantie aujourd’hui, sa suppression n’entraînerait pas de grandes différences.

Pour ce qui est des autres questions constitutionnelles, comme vous le savez, j’ai prétendu avoir quelques connaissances juridiques dans mes derniers discours, mais cette enceinte regorge de spécialistes en droit constitutionnel qui pourraient mieux répondre que moi sur ce point précis.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Merci beaucoup, sénatrice Simons, pour ce discours très intéressant et historique. Vous avez suggéré qu’on attende que la situation au Québec soit corrigée, mais il y a peut-être une solution : dans le projet de loi proposé par le sénateur Patterson, on pourrait peut-être inclure un article à la fin, disant que l’amendement constitutionnel prévu par la loi ne prendrait effet que lorsque le Québec aura adopté une motion similaire pour les sénateurs québécois. Cela permettrait alors de mettre le système en place, et, dès que le gouvernement du Québec donnerait son accord, on pourrait effectuer le changement.

La sénatrice Simons : C’est peut-être une bonne idée; cette demande pourrait s’adresser au sénateur Patterson, ou vous voudrez peut-être proposer une motion d’amendement vous-même.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Claude Carignan propose que le projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de mon projet de loi, le projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques).

Pour reprendre les paroles de la sénatrice Frum lorsqu’elle s’est exprimée au sujet du précurseur de ce projet de loi à la législature précédente, le projet de loi modifie la Loi canadienne sur la protection de l’environnement afin d’empêcher le Canada d’exporter dans des pays étrangers des déchets plastiques destinés à l’élimination définitive.

[Français]

En effet, le Canada enverrait désormais uniquement des déchets plastiques dans un pays étranger si ces déchets sont recyclés ou réutilisés autrement.

Il faut préciser que la liste des plastiques inscrits à l’annexe 7 a été conçue de façon à ce qu’elle puisse être modifiée par décret, au besoin. En outre, les peines prévues dans la loi seraient appliquées dans les cas où un particulier ou une entreprise contreviendrait à la loi.

[Traduction]

Comme s’en souviendront ceux d’entre vous qui étaient au Sénat à l’époque, ce projet de loi a initialement été présenté à la législature précédente en tant que projet de loi C-204 et son étude s’est rendue jusqu’à l’étape de la deuxième lecture au Sénat.

Ce projet de loi nous avait été renvoyé en juin 2021 avec le plein appui du Bloc québécois, du NPD, du Parti vert et, bien entendu, du Parti conservateur. On nous a laissé entendre à l’époque que de nombreux députés libéraux l’appuyaient également discrètement.

Honorables sénateurs, les députés sont les représentants élus de la population. Il convient de garder cela à l’esprit tandis que nous examinons le projet de loi S-234, puisqu’il est identique à celui qui nous avait été confié en juin dernier, tel que modifié par le comité de la Chambre des communes.

[Français]

Par ailleurs, cela signifie que j’ai la chance de faire des commentaires sur ce projet de loi après avoir entendu les discours de nombreux intervenants dans les deux Chambres. C’est pourquoi je peux affirmer avec certitude que s’il y a un point sur lequel tous et toutes s’entendent, c’est sur le fait que l’élimination des déchets plastiques pose un problème, un problème grave.

Je reprends ici les propos du sénateur Gold, qui s’était opposé au projet de loi au cours de la dernière législature. Il a dit ce qui suit, et je cite :

[...] le monde est confronté à un problème de gestion responsable des déchets plastiques. Les difficultés liées à la gestion nationale de grands volumes de déchets plastiques se traduisent souvent par des décharges ou des enfouissements dans l’environnement, ce qui pose un grave problème environnemental mondial et représente une occasion économique perdue. Il est tout simplement impossible de nier ce fait.

(1710)

Le sénateur Gold a raison. Or, bien que ce soit un problème mondial, il prévaut surtout dans le monde en développement. Comme notre ancienne collègue la sénatrice Frum l’a souligné dans son discours sur le prédécesseur du projet de loi S-234, seulement 0,03 % des déchets plastiques ne sont pas traités adéquatement au Canada. Il s’agit donc d’une partie comparativement à des pays comme la Turquie qui est responsable de 1,53 % des déchets plastiques maltraités, le Vietnam, responsable de 5,76 % de ces déchets, la Malaisie, de 2,95 %, la Thaïlande, de 3,23 % et l’Inde, de 1,88 %.

La sénatrice Frum a souligné que, pris individuellement, il s’agit de petits pourcentages, mais ces pourcentages combinés représentent un chiffre important, et chacun d’entre eux est beaucoup plus élevé que le pourcentage attribuable au Canada.

D’un autre point de vue, selon Our World in Data, le Canada a géré inadéquatement 23 587 tonnes de déchets plastiques en 2019. Cela semble énorme, mais des pays comme le Royaume-Uni ou la France, qui ont, géographiquement parlant, la taille d’une petite province canadienne ont mal géré respectivement 29 914 tonnes et 27 780 tonnes de déchets plastiques en 2019. L’Espagne en avait produit environ 20 000 tonnes.

Ces chiffres n’ont vraiment rien à voir avec ceux des pays du monde en développement, juste de l’autre côté du détroit de Gibraltar, en face de l’Espagne, sur le continent africain. En effet, le Maroc gère inadéquatement plus de 10 fois plus de déchets plastiques que le Canada, soit 295 000 tonnes en 2019. L’Algérie compte 764 578 tonnes de déchets plastiques mal gérés; l’Égypte, une quantité colossale de 1,44 million de tonnes; la République démocratique du Congo, 1,37 million de tonnes. Et que dire de la Tanzanie, avec 1,72 million de tonnes de déchets plastiques mal gérés?

Si l’on se tourne vers l’Amérique du Sud, on peut constater que le Chili a mal géré 30 767 tonnes de déchets plastiques en 2019. Chez sa voisine, l’Argentine, ce chiffre s’établit à près de 500 000 tonnes cette année-là. Pour sa part, le Brésil, le plus grand pays d’Amérique du Sud, qui n’est pas tout à fait aussi grand que le Canada, a mal géré une quantité faramineuse de 3,3 millions de tonnes de déchets plastiques en 2019.

Enfin, il y a l’Asie, comme l’a fait remarquer à l’autre endroit le parrain du prédécesseur du projet de loi S-234. En effet, de 2015 à 2018, le Canada a envoyé près de 400 000 tonnes de déchets plastiques en Thaïlande, en Malaisie, au Vietnam, en Inde, à Hong Kong, en Chine et aux États-Unis.

Si l’on examine les données les plus récentes concernant les déchets plastiques mal gérés dans ces pays, on peut constater que la Thaïlande a mal géré 1,36 million de tonnes de déchets plastiques en 2019; la Malaisie, 814 454 tonnes; le Vietnam, 1,11 million de tonnes; l’Inde, 12,99 millions de tonnes; la Chine, 12,27 millions de tonnes.

Honorables sénateurs, les discours de la sénatrice Frum et de Scot Davidson nous ont appris que la Chine, qui était auparavant une destination de choix pour les déchets plastiques, a interdit l’importation de ces matières à la fin de 2017. Le Canada s’est tout simplement tourné vers d’autres pays de l’Asie du Sud-Est et du monde en développement pour exporter ses déchets plastiques.

Par conséquent, même si le gouvernement Trudeau a adopté une politique de zéro déchet plastique au pays — des déchets plastiques qui représentent une infime partie du problème mondial et dont seulement 0,03 % sont mal gérés —, il a exporté le problème dans les parties du monde où la mauvaise gestion des déchets plastiques se pratique le plus.

Pendant que le gouvernement se vante du fait que son Plan de protection des océans fait du Canada un leader mondial en matière de protection océanique, nous continuons d’expédier des déchets plastiques vers des parties du monde qui sont les principales sources de la pollution plastique déversée dans nos océans.

Vous voulez savoir d’où provient le plastique qui pollue nos océans? Eh bien, il provient de nos rivières. Un projet appelé The Ocean Cleanup estime que 1 000 rivières sont responsables de 80 % du plastique qui se trouve dans nos océans. Aucune de ces rivières ne se trouve au Canada, et l’Amérique du Nord n’en compte qu’une seule. Les autres sont situées en Asie, en Afrique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud.

Qu’en est-il des rivières qui acheminent le plus de déchets plastiques dans nos océans? On en retrouve le plus grand nombre, et de loin, en Asie, alors que certaines sont situées en Afrique de l’Est et dans les Caraïbes. En fait, les 10 plus grandes coupables de la pollution plastique dans nos océans sont situées en Asie. Les Philippines en comptent sept, ce qui représente plus de 10 % du plastique acheminé dans les océans par les rivières, deux se trouvent en Inde et une en Malaisie.

En conséquence, interdire l’utilisation de pailles de plastique au Canada ne contribue en rien à la résolution du problème de la pollution plastique. Voilà un bel exemple de vertu ostentatoire, un bel exemple d’un gouvernement qui fait quelque chose non pas parce que c’est difficile, mais parce que c’est facile. Le gouvernement inverse le célèbre raisonnement de John F. Kennedy lorsqu’il expliquait pourquoi les États-Unis lanceraient une mission pour aller sur la Lune.

Pire encore, en donnant l’impression, à tort, que nous contribuons à résoudre un problème, nous l’aggravons. On fait la même chose en détournant l’attention des gens du travail acharné qui s’impose pour régler le véritable problème dans des endroits comme l’Asie, d’où proviennent 81 % de tous les plastiques qui aboutissent dans l’océan. Pourtant, c’est là que nous expédions nos déchets plastiques, tout en interdisant l’utilisation des pailles de plastique au pays.

Certains diront — et d’autres l’ont déjà soutenu — que le Canada a signé et ratifié la Convention de Bâle, convention qui, au moyen d’amendements apportés en 2019 aux annexes II, VIII et IX, a ajouté le plastique à la liste des déchets dangereux en provenance de l’étranger ou destinés à l’étranger qui sont couverts par le traité. Selon leurs arguments, ce que le projet de loi propose d’obliger le Canada à faire, le Canada le fait déjà conformément à la Convention de Bâle. Le projet de loi S-234 serait donc superflu.

Ce type de raisonnement s’oppose d’une façon flagrante aux arguments utilisés pour défendre le projet de loi C-15, Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui a reçu la sanction royale le 21 juin 2021. Dans ce cas, plutôt que de considérer le projet de loi C-15 comme redondant, le gouvernement a fait valoir qu’il était important parce qu’il permettait d’affirmer dans le droit canadien que le Canada avait adhéré à cette déclaration de l’ONU. À cet égard, il est intéressant de souligner que la liste des plastiques contenus à l’annexe 7 du projet de loi S-234 provient de l’annexe IV(B) de la Convention de Bâle et que le projet de loi S-234 vient améliorer les dispositions de la Convention de Bâle en comblant « l’échappatoire » qui permet au Canada d’exporter des déchets plastiques aux États-Unis.

Il s’agit d’un renforcement important de nos obligations en vertu de la Convention de Bâle, comme l’ont démontré de récents événements. Selon un rapport publié au début du mois dans La Presse canadienne, et je cite :

Au cours de l’année qui a suivi l’entrée en vigueur des nouvelles règles visant à ralentir les exportations mondiales de déchets plastiques, les expéditions du Canada ont augmenté de plus de 13 %, et la majeure partie était destinée aux États-Unis sans que l’on sache où elles finissent par se retrouver.

La Convention de Bâle ne prévient pas ces expéditions. Le projet de loi S-234, oui.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, reconnaît que la situation est problématique et reproche au Canada son approche nonchalante en matière d’exportations de déchets plastiques. Il l’a dit : le Canada doit « clairement faire mieux ». Je suis d’accord avec lui, ce qui est assez rare.

Entre 2017 et 2019, plus de 60 000 tonnes de déchets plastiques ont été expédiées chaque année du Canada vers les États-Unis. En 2020, on parlait d’une augmentation de plus de 83 000 tonnes. Certains diront qu’il s’agit de plastique destiné au recyclage, mais en réalité, nous ignorons où ces déchets se retrouvent. Les États-Unis n’ont pas signé la Convention de Bâle. Comme l’indique l’article de La Presse canadienne, et je cite :

L’accord [intervenu entre le Canada et les États-Unis] est autorisé par les règles de Bâle, mais comme les États-Unis ne sont pas liés par la Convention, ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec les déchets, y compris les expédier où bon leur semble.

(1720)

[Traduction]

Honorables sénateurs, le Canada est à la traîne depuis longtemps en matière de déchets plastiques. D’ailleurs, il est devenu célèbre à ce chapitre en 2019 lorsqu’il a été impliqué dans un conflit diplomatique avec les Philippines parce que des déchets expédiés dans ce pays avaient été faussement qualifiés de déchets plastiques destinés au recyclage. L’indignation du président des Philippines était telle qu’il a menacé de déclarer la guerre au Canada.

[Français]

Heureusement, la guerre avec les Philippines a été évitée, mais quel embarras nous avons éprouvé lorsque 69 conteneurs de déchets sont arrivés au port de Vancouver, en 2019.

La même année, la Malaisie a protesté contre le transport de déchets vers son territoire et a exigé que le Canada, les États-Unis, la France, le Japon, l’Australie et la Grande-Bretagne reprennent quelque 3 000 tonnes de déchets plastiques.

Je me permets de répéter ce que j’ai dit plus tôt : c’est aux Philippines et en Malaisie que se trouvent huit des dix rivières les plus importantes sur lesquelles sont transportés des déchets plastiques vers nos océans. Lorsque le député Scot Davidson a pris la parole sur son projet de loi interdisant l’exportation de déchets plastiques, il a décrit d’une manière très explicite la situation en Malaisie, en évoquant l’émission Marketplace de CBC/Radio-Canada. Il a dit que l’émission, et je cite :

[...] a mis en évidence la situation qui prévalait à Ipoh, un petit village du Nord de la Malaisie devenu l’un des principaux endroits où les déchets de plastique du Canada étaient envoyés pour y être traités. Le reportage décrit des amoncellements de plastique en feu; il parle de la pollution chimique et des microparticules de plastique qui se retrouvent dans les cours d’eau locaux; et il montre des montagnes de plastiques canadiens mal contenus. Les habitants d’Ipoh trouvaient scandaleux d’être ainsi envahis par des déchets de l’étranger et dénonçaient les répercussions qu’ils avaient sur leur santé et sur l’environnement. Ils disaient, implorants, ne pas vouloir devenir le prochain village envahi par le cancer. Ce n’est qu’un exemple d’une situation déjà trop répandue.

Je ne veux pas minimiser les efforts que déploient les pays en développement ou blâmer qui que ce soit. Comme M. Davidson l’a indiqué, beaucoup de pays en développement refusent désormais les importations de plastique qui provient de l’étranger puisque, depuis que la Chine s’est retirée de ces activités, ils peinent à gérer convenablement l’énorme quantité de plastique que leur envoie le monde entier.

Ce n’est qu’après l’embarras national causé par les incidents survenus aux Philippines et en Malaisie que le gouvernement actuel a décidé de ratifier les amendements à la Convention de Bâle. Je précise que 98 autres pays ont ratifié cette convention avant que notre prétendu leader mondial de la pollution plastique ne le fasse.

Honorables sénateurs, certains pays, comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, ont déjà adopté une loi semblable au projet de loi dont nous sommes saisis. D’autres pays comme le Royaume-Uni et des pays de l’Union européenne envisagent un projet de loi semblable au projet de loi S-234. Pourtant, le gouvernement libéral s’est opposé à ces mesures à toutes les étapes du cheminement législatif, en choisissant de faire plutôt un grand spectacle de l’interdiction au pays des pailles de plastique et du plastique à usage unique.

Le temps est venu d’adopter une loi dans cette enceinte. Nous entendons souvent le refrain selon lequel nous devons nous plier à la volonté des députés élus. Eh bien, cette volonté, c’est celle qu’exprime la majorité à l’autre endroit. Comme je l’ai mentionné, le Bloc québécois, le NPD, le Parti vert ainsi que le Parti conservateur ont appuyé ce projet de loi dans son incarnation précédente.

Dans le discours qu’elle a prononcé à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-204, la députée du Bloc québécois Monique Pauzé a écorché le gouvernement, lui reprochant son manque d’intégrité sur la scène internationale dans la gestion des déchets plastiques. Je la cite :

[…] avant même d’envisager l’exportation des déchets plastiques, le Canada a la responsabilité de repenser la manière dont est organisé ici même le cycle des matières dans l’économie. En effet, le Canada doit travailler ici en premier et faire les gestes nécessaires pour assurer la gestion de cette matière, afin de cesser ce comportement condamnable qui est le dumping. Il n’y a rien d’acceptable, ni moralement ni autrement, à envoyer nos déchets en Inde, en Thaïlande, à Taïwan.

Mme Pauzé a ajouté ceci :

Une abolition des six produits de plastique à usage unique était nécessaire, mais c’est peu ambitieux. C’est une goutte d’eau dans l’océan de ce qui doit être mis en place pour gérer correctement les déchets de plastique.

Comme moi, la députée néo-démocrate Laurel Collins a dénoncé la lenteur de l’approche du gouvernement face à la réduction des exportations de déchets plastiques en s’exprimant ainsi, et je cite :

[…] les libéraux piétinent. Au départ, ils étaient totalement opposés à l’idée d’interdire les exportations des déchets plastiques. Ce n’est qu’après avoir vu l’Australie faire des démarches pour interdire les exportations des déchets plastiques en 2019 qu’ils ont décidé d’examiner ce que le Canada pourrait faire pour réduire la quantité de déchets canadiens qui se retrouvent dans les océans.

Comme je l’ai mentionné, les libéraux ont d’abord refusé de signer les importantes modifications apportées à la Convention de Bâle. En 2019, les parties à la Convention ont approuvé les modifications par consensus, mais le Canada a continué à s’y opposer. En mars 2020, quand les Nations unies ont officiellement avisé le Canada que ses lois ne respecteraient pas la Convention, le gouvernement a demandé à maintes reprises qu’on reporte l’échéance.

[Traduction]

Honorables sénateurs, il est évident que la majorité des élus à la Chambre appuient ce projet de loi et souhaitent qu’il devienne une loi. Les seuls qui ne l’appuient pas, sous prétexte qu’il serait superflu vu nos engagements au titre de la Convention de Bâle, sont les libéraux.

[Français]

Maintenant, permettez-moi de conclure mon allocution en citant les propos de James Puckett, directeur exécutif du Basel Action Network, qui a témoigné en 2021 devant le Comité permanent de l’environnement de la Chambre des communes au sujet du projet de loi de M. Davidson :

Nous trouvons juste d’associer les États-Unis et le Canada dans cette vilaine affaire, car à la fin de l’année dernière, les gouvernements canadien et américain ont conclu une entente en secret en vue d’ignorer la décision récente de la Convention de Bâle de contrôler le commerce des plastiques contaminés et mixtes. Les deux pays souhaitaient plutôt que le commerce qu’ils font entre eux demeure obscur et non contrôlé.

Le Centre pour le développement du droit international de l’environnement a condamné ce pacte bilatéral puisqu’il fait fi des obligations du Canada en vertu de la Convention de Bâle. En outre, comme les États-Unis ne sont pas signataires de cette convention, l’entente permet aux négociants canadiens de se servir des États-Unis comme intermédiaire pour exporter des déchets plastiques canadiens vers des ports d’Asie, contournant ainsi les obligations prévues par la Convention.

Chers collègues, ce projet de loi n’est peut-être pas une panacée au problème de la mauvaise gestion des déchets plastiques qui se retrouvent dans l’océan, mais c’est une affirmation législative et une bonification de nos obligations en vertu de la Convention de Bâle. J’espère donc que vous accepterez de le renvoyer à un comité pour qu’il y fasse l’objet d’une étude plus approfondie, pour le bien-être de nos océans. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)

(1730)

[Traduction]

Projet de loi sur l’édiction d’engagements climatiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Rosa Galvez propose que le projet de loi S-243, Loi édictant la Loi sur la finance alignée sur le climat et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous présenter le projet de loi S-243, Loi édictant la Loi sur la finance alignée sur le climat et apportant des modifications connexes à d’autres lois. Cette loi est un outil législatif efficace pour assurer la cohérence, accroître la transparence et mettre en œuvre des mécanismes de responsabilisation tout en protégeant le système financier des risques climatiques et en alignant les finances sur nos engagements nationaux et internationaux en matière de changements climatiques. Ces éléments sont essentiels à une transition harmonieuse vers une économie à faible émission de carbone, qui est déjà en marche et s’accélère dans le monde entier.

Cette initiative législative est la prochaine étape naturelle et logique de la lutte contre les changements climatiques après l’adoption de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, que j’ai parrainée, ici, au Sénat. C’est aussi un moyen de positionner avantageusement le Canada dans la course vers une révolution industrielle propre afin d’augmenter ses chances de demeurer un pays prospère et concurrentiel.

Dans mon intervention, je présenterai le contexte financier et climatique justifiant les objectifs et la teneur du projet de loi. Je décrirai les travaux et le processus qui nous ont conduits à cette proposition. Enfin, je me plongerai dans le projet de loi lui-même et aborderai les problèmes auxquels il vise à remédier.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, composé des plus grands climatologues du monde, vient de publier les trois parties de son sixième rapport d’évaluation, un document phare qui traite des fondements physiques de la climatologie, des conséquences de la crise climatique et de la manière dont le monde peut réduire ses émissions à un niveau acceptable.

Le Groupe d’experts a constaté que les pays prenaient du retard sur les politiques et les mesures nécessaires, que les apports financiers étaient de trois à six fois inférieurs aux niveaux requis d’ici 2030, et que des changements radicaux seraient nécessaires dans tous les aspects de l’économie mondiale. Il est encore possible d’éviter les pires conséquences, mais seulement si les gouvernements agissent immédiatement et décisivement, par exemple en réduisant leurs émissions de moitié d’ici 2030. Heureusement, le rapport indique que des options d’atténuation sont possibles, au bas prix de 100 $ US par équivalent d’une tonne de CO2 ou moins.

Au moment de la publication de ce rapport, le secrétaire général des Nations unies António Guterres n’a pas mâché ses mots. Il a décrit la deuxième partie comme étant un « recueil de la souffrance humaine et une accusation accablante envers l’échec des dirigeants dans la lutte contre les changements climatiques ». Lundi, il a dit que « les véritables radicaux dangereux sont les pays qui augmentent la production de combustibles fossiles ».

Chers collègues, nous sommes des décideurs; nous sommes ces dirigeants. Je ne sais pas si vous avez une idée à quel point il est déprimant pour les scientifiques, les professionnels de la santé, les jeunes générations, les entreprises responsables, les travailleurs pour une transition équitable, les peuples autochtones, les communautés racialisées touchées par la pollution, et les femmes et les filles sur qui le changement climatique a un impact disproportionné d’être témoins d’une trajectoire si destructrice pour notre planète.

Plusieurs choses devraient maintenant être bien évidentes : tous ces acteurs nous perçoivent comme étant complices de la crise. Ils ont perdu confiance en notre processus démocratique. Les phénomènes météorologiques extrêmes augmentent en fréquence et deviennent plus destructeurs et coûteux. Les risques climatiques sont systémiques et croissants. Retarder davantage la prise de mesures de lutte contre les changements climatiques serait dangereux. Non, l’objectif de ce discours n’est pas de faire la morale; il s’agit simplement des faits.

Une analyse récente de l’Office of Management and Budget des États-Unis a révélé que les changements climatiques pourraient provoquer des pertes représentant 7,1 % des revenus annuels — l’équivalent de 2 billions de dollars américains par année — d’ici la fin du siècle. Cela veut dire que les dommages financiers futurs sont susceptibles d’éclipser les dommages actuels si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au même rythme.

À plus court terme, selon une étude effectuée par l’Institut Swiss Re, un réchauffement planétaire de 2 à 2,6 degrés pourrait coûter au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis entre 6 % et 7 % de leur PIB annuel d’ici 2050.

[Français]

En 2015, l’Accord de Paris a été adopté par 196 nations. Cet accord vise à garder le réchauffement climatique bien en dessous de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, en s’efforçant de le limiter à 1,5 degré. En novembre, le Canada a présenté sa contribution déterminée à l’échelle nationale (CDN) lors de la COP26 qui s’est tenue à Glasgow. Il s’est engagé à réduire de 40 à 45 % ses émissions, par rapport aux niveaux de 2005, d’ici 2030, ce qui a été officialisé l’an dernier par l’adoption de la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité.

La COP26 a été l’occasion pour les pays de soumettre des CDN ambitieuses tout en abordant la question du financement de la transition. Elle n’a pas réussi à atteindre tous ses objectifs, mais plusieurs initiatives prometteuses ont vu le jour, notamment la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, dirigée par l’ancien gouverneur de la Banque du Canada et envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique, Mark Carney. Cette alliance est un groupe d’acteurs financiers qui se sont engagés à placer le changement climatique au centre de leur travail. J’appuie les efforts de Mark Carney. Il est clair que nous n’atteindrons jamais nos objectifs sans la participation entière et proactive du secteur financier.

Au Canada, le secteur financier soutient massivement les industries à fortes émissions avec des milliards de dollars en fonds directs. Exportation et développement Canada a soutenu l’industrie en fournissant entre 8 milliards et 12,4 milliards de dollars en financement et assurance par année de 2015 à 2020, ce qui entre en contradiction directe avec les objectifs de réduction des subventions et des émissions du gouvernement. Les six grandes banques canadiennes ont fourni 694 milliards de dollars de financement et ont investi 125 milliards de dollars dans les combustibles fossiles depuis 2015.

Malgré les bonnes intentions que sous-tendent ces collaborations internationales, il existe une contradiction évidente entre les promesses et les actions des acteurs financiers. Partout dans le monde, les politiques gouvernementales et les avancées technologiques évoluent rapidement, alors que la transition progresse. Au Canada, les objectifs de réduction des émissions n’ont jamais été atteints et le système financier est menacé par les risques climatiques. Nos institutions financières doivent rattraper leur retard et s’aligner sur la science climatique la plus récente. Nous devons nous appuyer sur les efforts des nations développées en matière de finance durable, comme les pays européens, les membres de l’Union européenne et les pays du Commonwealth. Nous pourrons ainsi déclencher une transformation économique qui alimentera la prospérité future de manière durable, en préservant notre pays et la planète telle que notre génération l’a connue.

[Traduction]

À l’heure actuelle, notre secteur financier doit composer avec des conditions climatiques de plus en plus instables et un avenir incertain, le rendant vulnérable à des risques majeurs. Toutefois, ces risques ne se reflètent pas dans les prix du marché, ce qui pourrait orienter les mouvements de capitaux vers des actifs plus risqués, à forte intensité d’émissions plutôt que vers des actifs sobres en carbone. Si les prévisions du marché évoluent soudainement à cause de l’accélération des politiques mondiales, de progrès technologiques ou d’une série de phénomènes météorologiques destructeurs comme ceux que nous observons actuellement, cela pourrait donner lieu à une modification massive des prix. Si une telle situation se produit, des actifs produisant des émissions élevées valant des milliards de dollars pourraient se retrouver immobilisés, ce qui entraînerait des pertes pouvant se répercuter sur l’ensemble du système financier et le rendre instable ou provoquer son effondrement généralisé.

La moitié des actifs mondiaux liés aux combustibles fossiles pourrait perdre toute valeur d’ici 2036, en cas de passage à la carboneutralité. De plus, les trois quarts du pétrole canadien seraient inutilisables dans un monde où le réchauffement serait limité à 2 degrés Celsius. Ceux qui sont lents à décarboniser en subiront les conséquences, alors que ceux qui seront rapides à le faire — les pionniers — seront avantagés.

Des initiatives comme le Groupe de travail sur la divulgation de l’information financière relative aux changements climatiques cherchent à améliorer et à accroître la communication d’information financière liée au climat grâce à des divulgations volontaires, dans l’espoir que les investisseurs puissent avoir une meilleure vue d’ensemble des répercussions des changements climatiques sur leur portefeuille d’investissement. Malheureusement, l’absence de cadre législatif et de capacité de mise en application entraîne un manque d’uniformité dans l’application. Ceux qui divulguent de l’information sont désavantagés par rapport à ceux qui ne le font pas et finissent par être pénalisés par les investisseurs.

(1740)

Même si la crise climatique représente un risque incroyable pour le secteur financier, l’inverse est aussi vrai. Ensemble, ces deux effets opposés s’appellent la « double importance relative ». En investissant massivement dans les industries aux émissions les plus importantes, le secteur financier favorise l’augmentation des émissions libérées dans l’atmosphère. Ces émissions financées ajoutent au fardeau de la crise climatique.

En 2015, Morgan Stanley Capital International a évalué l’empreinte carbone de plusieurs de ses indices et a découvert qu’un investissement de 1 million de dollars américains pouvait entraîner jusqu’à 439 tonnes d’équivalent CO2.

Comment une seule institution financière peut-elle résoudre ce problème épineux? Le secteur financier est sur la ligne de front des risques climatiques et, malgré son soutien continu des combustibles fossiles, à l’instar de certaines grandes sociétés internationales, il s’est empressé d’annoncer des engagements en matière de décarbonisation pour prouver sa volonté de changer. Pourtant, ces engagements manquent de transparence et de reddition de comptes. Au mieux, ils nous offrent un faux sentiment de réconfort du fait que des mesures seraient en cours pour lutter contre les changements climatiques. Au pire, ils sont une tentative délibérée d’écoblanchiment pour retarder la prise de mesures substantielles.

Il n’existe toujours pas de normes claires ou de mesures d’application qui apporteraient la transparence nécessaire à ces engagements. Certes, nous applaudissons les secteurs privés qui se sont fixé des cibles climatiques ambitieuses et qui font des progrès importants vers leur atteinte. Le projet de loi S-243 les soutient pleinement. Cependant, les entreprises individuelles n’ont ni la responsabilité ni la motivation de veiller à ce que leurs pairs et leurs concurrents leur emboîtent le pas. Elles ne peuvent à elles seules assurer une transition ordonnée et complète de l’économie et encore moins assumer la responsabilité de réduire le risque posé par les changements climatiques à l’ensemble du secteur financier. Seul le gouvernement peut remplir cette fonction.

Ce sont les problèmes que mon projet de loi résout. Alors, comment le projet de loi S-243 a-t-il été élaboré?

En septembre 2020, j’ai invité plusieurs experts au Sénat pour obtenir leurs idées sur la façon dont le Canada peut développer une économie plus équitable et plus résiliente après s’être remis de la pandémie. Ces experts comprenaient Peter Victor, économiste et professeur émérite de l’Université York; Cameron Hepburn, directeur de la Smith School of Enterprise and the Environment de l’Université d’Oxford; et Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie et ancien économiste en chef de la Banque mondiale. Ce webinaire et nos recherches sur les différentes approches préconisées pour la relance économique après la pandémie ont mené à la publication d’un livre blanc intitulé Se propulser vers l’avant : Une relance propre et solidaire après la pandémie de la COVID-19.

L’été dernier, nous avons adopté la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité, un cadre de responsabilisation juridiquement contraignant pour que le gouvernement atteigne la carboneutralité d’ici 2050, ce qui a donné lieu à un débat important dans cette enceinte.

En janvier, la Banque du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières ont publié le rapport final du projet pilote visant à analyser des scénarios climatiques afin de mieux comprendre les risques pour le système financier associés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Les auteurs mettent l’accent sur la nature systémique du risque climatique qui menace l’économie et l’ensemble du système financier et reconnaissent la nécessité de renforcer la capacité d’évaluer ces risques. Malheureusement, ils ne parviennent pas à formuler de recommandations importantes favorisant la prise de mesures proactives par les institutions financières pour lutter contre le changement climatique. Il se fait tard pour agir. Il n’y a pas de temps à perdre face à l’urgence climatique.

En tenant compte de ces développements, mon bureau et moi‑même avons travaillé au cours des derniers mois sur un livre blanc, dans le but de provoquer la prochaine progression logique de la transition. En nous fondant sur les pratiques exemplaires internationales et les grands penseurs dans les domaines de la politique économique, de la climatologie et de la finance durable, ainsi que sur les échanges qui ont eu lieu à la COP26 et au sommet GLOBE, nous avons cerné les lacunes dans le secteur financier canadien et avons proposé une série de recommandations.

Ces recommandations définissent ce que représenterait pour le Canada le passage de retardataire à chef de file en instaurant un système financier stable, aligné sur le climat et à faibles émissions de carbone. Les conclusions, recommandations et rétroactions colligées à ce jour se retrouvent dans le livre blanc publié le mois dernier et intitulé Aligner la finance canadienne sur les engagements climatiques.

Les rétroactions ont été jusqu’à maintenant inspirantes, et je remercie sincèrement tous mes collègues qui ont pris le temps de lire le document et de répondre à mon analyse, à mes interventions et à mes recommandations.

Grâce à ces connaissances, le projet de loi S-243 a été conçu en collaboration et en consultation avec Me Karine Péloffy, de mon bureau, et le professeur Amr Addas, de l’Écosystème de la durabilité de l’Université Concordia, avec l’appui de la Fondation familiale Trottier. Nous avons organisé une série de consultations et de réunions de groupe de travail. Nous avons convoqué plus de 40 experts nationaux et internationaux du domaine de la finance durable et provenant de divers horizons. Ils représentaient des entités d’investissement, des régimes de pensions, des groupes de réflexion, des cabinets d’avocat et le milieu universitaire, et ils ont réuni l’expertise des domaines de la finance et du climat dans l’espoir d’élaborer une solution rigoureuse, mesurée et cohérente pour aider notre secteur financier à s’aligner sur nos engagements en matière de climat.

Dans le cadre de ces consultations, nous avons recueilli des commentaires exceptionnels, qui ont été regroupés dans le document de travail intitulé « Ce que nous avons entendu » publié plus tôt aujourd’hui. Ces consultations avaient pour but d’obtenir des conseils sur les obligations fiduciaires des directeurs, les processus de préparation de rapport et de planification des institutions, les normes de fonds propres, les divulgations, les technologies et comment tous ces éléments sont utilisés, et bien plus encore. Le bilan de tous les commentaires reçus se reflète directement dans le projet de loi proposé aujourd’hui.

Le projet de loi S-243 est complémentaire à la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité; il améliore la structure, la cohérence et l’efficience des efforts pour atteindre les objectifs auxquels nous nous sommes engagés en incluant le secteur financier dans la course vers la carboneutralité — la dernière pièce maîtresse pour activer la machine vers la transition.

Des pays comme le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande ont déjà adopté des lois exigeant de bon nombre de leurs institutions financières qu’elles divulguent des informations en matière de lutte contre les changements climatiques. La Maison-Blanche a publié un décret en mai 2021 et, en reconnaissance des risques pour la stabilité du système financier que présentent les changements climatiques, elle a adopté une politique visant à favoriser la divulgation uniforme, claire, compréhensible, comparable et précise d’informations sur les risques financiers des changements climatiques. En octobre 2021, s’est ajoutée au décret une feuille de route visant à bâtir une économie plus résiliente face aux changements climatiques. Fondée sur l’approche de précaution, la feuille de route vise à mobiliser le secteur public et le secteur financier afin de soutenir la transition de l’économie américaine vers la carboneutralité et de protéger le système financier américain contre les risques financiers liés aux changements climatiques.

Récemment, la U.S. Securities and Exchange Commission a proposé de nouvelles règles visant à obliger les entreprises inscrites en bourse aux États-Unis à rapporter l’entièreté de leurs émissions. Ces changements placeraient les entreprises canadiennes dont le titre est échangé sur les marchés boursiers américains en situation fort désavantageuse, puisqu’elles seraient incapables de répondre aux normes et aux attentes des investisseurs américains.

Alors que d’autres pays du G20 disposent d’une gamme beaucoup plus importante d’options en matière d’énergie propre, notamment l’énergie marémotrice, houlomotrice, hydroélectrique, gravitaire, éolienne, solaire et nucléaire, nous continuons malheureusement à exploiter l’énergie du passé, qui est coûteuse, complexe, polluante et qui est source de discorde. Bref, la politique canadienne accuse du retard, et nos actions malavisées ont un impact majeur sur notre compétitivité internationale. Nous devons agir avec les outils législatifs à notre disposition.

C’est pour ces raisons urgentes que je présente le projet de loi S-243, qui aligne les activités des institutions financières fédérales et d’autres entités réglementées par le gouvernement fédéral sur l’intérêt économique et public prépondérant qu’est la réalisation de nos engagements climatiques. Ce projet de loi vise à faire des progrès rapides et significatifs pour préserver la stabilité des systèmes financiers et climatiques. Il reconnaît les risques systémiques qui pèsent sur tous les secteurs de l’économie si les apports financiers ne s’alignent pas sur les engagements climatiques.

(1750)

Ainsi, qu’est-ce l’alignement? Les engagements climatiques se rapportent à nos obligations et aux engagements que nous avons pris au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, de l’Accord de Paris et de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité dans le but d’atteindre la cible de 1,5 degré avec peu ou pas de dépassement, d’éviter de faire stagner les émissions de carbone, de préserver les puits de carbone et d’améliorer la résilience.

L’alignement sur les engagements climatiques signifie de contribuer à la réalisation de ces engagements, d’éviter d’agir à l’encontre de ces engagements, d’éviter de prolonger l’impact du changement climatique ou de perturber les puits de carbone naturels, et d’engendrer des effets globalement positifs tout en respectant les droits des peuples autochtones, en utilisant les meilleures données scientifiques disponibles et en évitant de causer des préjudices aux obligations sociales et environnementales. Pour y parvenir, le projet de loi propose sept mesures importantes.

La première mesure concerne un enjeu dont nous avons souvent entendu parler dans nos consultations : le fait que l’obligation de fiduciaire inclue techniquement la considération du risque climatique. Cependant, en pratique, ce risque est ignoré ou sous‑représenté.

En 2019, le Groupe d’experts en financement durable a recommandé au gouvernement fédéral de « [...] préciser que l’obligation de fiduciaire [...] n’exclut pas la prise en compte des facteurs pertinents reliés aux changements climatiques ».

En outre, dans un rapport de septembre 2021, l’Institute for Sustainable Finance de l’Université Queen’s a sondé des experts du financement durable et a souligné la nécessité de préciser la portée de l’obligation de fiduciaire, qui serait « [...] largement reconnue comme étant une initiative cruciale où il faut agir à court terme ».

L’ancienne juge McLachlin de la Cour suprême a également reconnu que les sociétés ont des responsabilités qui vont au-delà des simples résultats financiers. Elle a dit :

Les sociétés doivent tenir compte des conséquences environnementales de leurs activités avant de prendre une décision [...] Les sociétés, qu’elles soient publiques ou privées, doivent prendre en considération les intérêts de tous les intervenants. Comme tout bon citoyen, les sociétés doivent respecter l’environnement, les relations avec les peuples autochtones et la diversité des sociétés modernes.

En conséquence, la loi sur la finance alignée sur le climat crée l’obligation pour les directeurs, les dirigeants et les administrateurs d’exercer leurs pouvoirs et leurs fonctions de manière à permettre à leur organisation de se conformer aux engagements pris en matière de climat.

La seconde mesure vise l’harmonisation de diverses organisations fédérales connexes avec les engagements pris en matière de climat. Cet ensemble de modifications directes oblige la Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières, le secteur public, le Régime de pensions du Canada et les principales sociétés d’État, comme Exportation et développement Canada, à s’acquitter de leurs fonctions d’une manière qui respecte nos engagements en matière de climat.

La troisième mesure oblige les organisations sous réglementation fédérale à fixer des cibles, à élaborer des plans et à présenter des rapports d’alignement sur les engagements climatiques, à moins qu’elles ne produisent aucune émission ou n’engendrent que des émissions négligeables. Ces entités déclarantes incluent des institutions financières fédérales, des sociétés d’État mères, des compagnies constituées en vertu d’une loi fédérale et d’autres entités sous réglementation fédérale, comme des compagnies ferroviaires et des sociétés aériennes. Leurs cibles et leurs plans doivent s’appliquer à toutes les émissions au sein de leur chaîne de valeur, se fonder sur les meilleures données scientifiques disponibles et être alignés sur les engagements climatiques. Les institutions financières fédérales — entre autres, les banques, les compagnies d’assurance, les sociétés de fonds de pension, la Banque du Canada et certaines sociétés d’État importantes — seront soumises à des exigences supplémentaires, comme l’obligation de prendre en considération leurs émissions financées dans leurs cibles et leurs plans.

Honorables collègues, c’est ce que nous avons exigé que le gouvernement fasse l’année dernière dans le cadre de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Il est maintenant temps d’imposer une exigence semblable au secteur financier.

La quatrième mesure consiste à s’assurer que certains conseils d’administration aient l’expertise nécessaire en matière de climat pour assurer la transition et à éviter les conflits d’intérêts. Ce projet de loi comprend une définition de ce qui constitue une personne ayant une expertise en matière de climat, et il exige que les grandes sociétés d’État comptent au moins un expert dans ce domaine au sein de leur conseil d’administration. Les dispositions sur les conflits d’intérêts seraient mises en œuvre en deux étapes. Pendant les quatre premières années suivant l’entrée en vigueur de la loi, les membres du conseil associés à une organisation qui n’est pas alignée avec les engagements climatiques seraient tenus de déclarer leurs activités conflictuelles dans le rapport sur l’alignement sur les engagements climatiques que l’entité déclarante présenterait annuellement. À partir de la cinquième année, ces personnes ne pourraient plus être nommées au conseil. Nous avons entendu dire que ce sont toujours les mêmes quelques centaines de personnes qui siègent à tous les conseils financiers. Cette mesure s’accorde avec la tendance à promouvoir la diversité et à élargir les champs d’expertise au sein des conseils d’administration.

La cinquième mesure consiste à établir des exigences relatives à la suffisance du capital qui reflètent mieux les risques microprudentiels et macroprudentiels générés par les institutions financières. Lorsqu’une institution financière investit dans des secteurs qui ne sont pas prêts à amorcer la transition, cela comporte un risque financier qui peut avoir des répercussions dans l’ensemble du système financier. Si on oblige les banques à détenir plus de capital, notamment en exigeant, par exemple, qu’elles réservent un montant proportionnel à leurs investissements dans des activités à forte intensité d’émissions, les banques pourraient alors assumer les coûts associés à ces risques systémiques générés par leurs activités financières.

[Français]

Pour ce faire, la loi exige que le surintendant des institutions financières élabore de nouvelles lignes directrices sur la suffisance du capital des institutions financières à l’égard des engagements climatiques. Les premières lignes directrices s’appliqueraient aux entités régies par la Loi sur les banques et seraient publiées au cours de l’année suivant l’entrée en vigueur de la loi. Une deuxième série de lignes directrices serait ensuite élaborée concernant les exigences de financement et les politiques d’investissement à l’égard des engagements climatiques pour les régimes de retraite, les compagnies d’assurance et les autres entités qui relèvent du surintendant.

La sixième mesure est l’élaboration d’un plan d’action par le gouvernement pour aligner les produits financiers sur les engagements climatiques. L’alignement complet nécessite une approche globale qui dépasse les capacités d’un projet de loi d’intérêt privé du Sénat. Le gouvernement fédéral dispose de pouvoirs considérables et de la compétence constitutionnelle nécessaire pour agir sur ces questions.

Enfin, la septième mesure garantit des processus d’examen public opportuns sur les progrès de la mise en œuvre afin d’assurer un apprentissage itératif.

La loi exige la présentation de deux rapports. Dans un document déposé tous les ans au Parlement, le Bureau du surintendant des institutions financières rendra compte des progrès de la mise en œuvre en ce qui concerne les entités relevant de sa compétence, et le ministre des Finances fera de même pour les sociétés d’État.

Au cours de l’année qui suit l’entrée en vigueur de la loi, un rapport unique sera élaboré conjointement par la Banque du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières et les représentants des peuples autochtones sur les consultations qui auront été menées pour connaître les perspectives des peuples autochtones, notamment sur les investissements à long terme et la résilience du système financier. Un autre rapport sera préparé par la Banque du Canada sur la politique monétaire en relation avec les changements climatiques, et sera élaboré en consultation avec des personnes ayant une expertise climatique. Ces rapports seront également déposés au Parlement.

Tous les trois ans, un examen indépendant des dispositions édictées par la loi et de leur administration doit être mené en consultation avec des personnes ayant une expertise climatique, suivi d’un rapport qui sera également déposé au Parlement.

Je tiens également à mentionner un thème récurrent dans le projet de loi. Selon des commentaires exprimés par des représentants de peuples autochtones, la LFAC reconnaît leurs intérêts de la façon suivante : 1) le préambule de la loi évoque la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et les impacts disproportionnés sur ces peuples; 2) l’expertise climatique comprend les « modes d’acquisition des connaissances, le savoir‑être et le savoir-faire autochtones »; 3) la définition de l’expression « alignement sur les engagements climatiques » inclut le respect des droits des peuples autochtones, y compris ceux qui sont énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones; 4) la Banque du Canada doit élaborer conjointement avec les représentants des peuples autochtones un rapport sur leurs perspectives.

(1800)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 25 novembre 2021, je dois quitter le fauteuil, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure. Si je n’entends pas « suspendre », nous allons poursuivre.

Sénatrice Galvez, vous pouvez continuer votre intervention.

La sénatrice Galvez : En conclusion, le secteur financier n’est pas à l’abri des répercussions des changements climatiques — bien au contraire. Les tactiques traditionnelles pour résoudre les problèmes économiques n’ont pas été efficaces pour contrer la crise climatique. En fait, les approches du passé ont empiré, volontairement ou par inadvertance, la crise climatique en soutenant les industries polluantes.

Les Canadiens ont besoin que le secteur financier adapte ses façons de faire à cette réalité climatique. Le réchauffement du Sud du Canada est deux fois plus élevé que la moyenne de la planète, et celui de l’Arctique est trois fois plus élevé. Nous devons donc accélérer la transition d’une manière ordonnée.

La Banque du Canada, qui vient de publier les résultats de son premier exercice visant à comprendre les risques pour le système financier canadien, perd du terrain dans la course vers la carboneutralité. Plusieurs administrations et organisations nationales et internationales ne se contentent pas de mener cette réflexion : elles proposent des politiques et des outils législatifs, dont certains sont déjà mis en œuvre. Le Canada doit emboîter le pas si nous souhaitons demeurer une économie compétitive, prospère et durable pour les générations actuelles et futures.

Je me réjouis à la perspective d’avoir un débat rigoureux à ce sujet avec vous au Sénat et la société en général. Je m’attends à ce que nos collègues, des banquiers, des économistes, des vérificateurs et d’autres intervenants qui souhaitent développer une économie durable dans un environnement sain pour les Canadiens apportent des points de vue et une contribution positive à ce débat. J’imagine que quelques comités s’intéresseront à des aspects du projet de loi, en particulier le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le Comité sénatorial permanent des finances nationales, mais aussi le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. J’ai hâte d’entendre des experts dans le cadre des études des comités et je reste ouverte à des améliorations qui pourraient renforcer cette mesure législative.

Merci, chers collègues. Meegwetch.

Son Honneur le Président : Sénatrice Galvez, accepteriez-vous de répondre à des questions?

La sénatrice Galvez : Oui.

L’honorable Marilou McPhedran : Sénatrice Galvez, je vous remercie d’avoir pris l’initiative de présenter ce projet de loi.

Je désire formuler ma question à la lumière d’un récent rapport du Sierra Club et de six autres organisations non gouvernementales qui ont indiqué que le financement des combustibles fossiles des 60 plus grandes banques au monde a atteint la somme de 4,6 billions de dollars américains dans les six années suivant la signature de l’Accord de Paris. Comme vous l’avez précisé, le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU, qui a été publié il y a trois jours seulement, nous met en garde : il faut agir maintenant, nous n’avons plus le temps.

Dans le rapport du Sierra Club, j’ai remarqué que les noms de trois banques canadiennes apparaissent clairement dans la liste des pires financiers des combustibles fossiles à l’international entre 2016 et 2021. La cinquième position est occupée par la Banque Royale du Canada, la neuvième place par la Banque Scotia, et la onzième par la Banque TD.

Sénatrice Galvez, pourriez-vous nous expliquer comment ce projet de loi vise à résoudre le fait bien connu que les banques n’agissent pas immédiatement ou assez rapidement selon ce que conseillent les experts en la matière?

La sénatrice Galvez : Je vous remercie énormément de cette question, sénatrice McPhedran.

C’est un concept que l’on appelle la double importance relative : d’une part, le secteur financier reconnaît et affirme que les risques climatiques sont systémiques, que ce soit en raison d’une transition ou des risques physiques liés à tous ces événements météorologiques extrêmes destructeurs, et transforme des actifs en actifs délaissés; d’autre part, il finance l’industrie des combustibles fossiles.

Selon les autorités mondiales en matière de normes d’information sur la durabilité, il faut étudier ce concept et la divulgation ne peut se faire uniquement sur une base volontaire. Elle doit être la plus exhaustive possible pour que l’on puisse évaluer plus précisément les risques et y remédier, car, comme vous le dites, les risques sont bien réels et prennent de l’ampleur, à un tel point que c’en est alarmant. Ils pourraient nous mener à des difficultés de nature bien différente que celles liées à d’autres crises financières. En général, les gens pensent que cela pourrait ressembler à la crise financière de 2008, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit d’une crise externe découlant de plusieurs facteurs cumulatifs et convergents.

J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice McPhedran : Merci.

[Français]

L’honorable Lucie Moncion : Le secteur financier reconnaît l’existence des cygnes noirs. Pourriez-vous nous parler des cygnes verts, qui sont propres à la crise environnementale?

La sénatrice Galvez : Est-ce que vous faites référence à la question de l’écoblanchiment?

La sénatrice Moncion : Je fais référence aux catastrophes environnementales qui arrivent tout d’un coup et qui ne sont pas prévues. Dans le système financier, on parle de cygnes noirs quand une catastrophe économique qui n’avait pas été prévue se produit, comme la situation en 2008. Maintenant, on parle de cygnes verts, qui sont associés aux changements climatiques.

La sénatrice Galvez : Vous me rappelez que, à un moment donné, on parlait des risques unknown unknown. On parlait de radical uncertainty, de l’incertitude radicale. En tant qu’ingénieure, je sais bien comment on peut gérer les risques quand on est en mesure de les mesurer, de les modéliser, de les prévoir et de les prédire. C’est ce qu’on fait en génie quand on adapte nos infrastructures.

Le problème, sur le plan des finances, c’est que, selon les experts, ce risque est inconnu. On ne peut pas vraiment le mesurer, parce que ces facteurs sont convergents, cumulatifs et exponentiels et qu’ils sont vraiment très difficiles à prévoir. C’est donc pour cela que les experts nous disent qu’il faut privilégier des approches microprudentielles et macroprudentielles, pour s’assurer de régler le problème tant sur le plan de l’entité individuelle que sur le plan du système, parce que le risque est systémique.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Tout d’abord, très brièvement, je tiens à vous féliciter pour l’audace, la détermination et le travail qui sont à la base de votre projet de loi. Je crois que nous aurons, en effet, un débat robuste.

Depuis quelques années, on entend parler d’initiatives visant à accroître la transparence des entreprises et des institutions financières. Je comprends toutefois que votre projet de loi va beaucoup plus loin sous prétexte que ces divulgations ne sont pas suffisantes.

Pourriez-vous m’expliquer pourquoi ces divulgations ne fonctionnent pas et comment votre projet de loi affecte les initiatives existantes, visant à accroître les divulgations climatiques des entreprises?

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup pour la question et pour votre reconnaissance à l’égard du travail qui a été effectué.

Jusqu’à présent, la publication des risques climatiques est seulement une recommandation et elle est volontaire. Des experts ont affirmé que seulement 9 % des entités qui ont été surveillées ont produit un rapport sur leurs risques climatiques. Parmi ces 9 %, seulement 2 % ont posé des actions face aux risques qu’elles ont pu identifier.

(1810)

Il y a une autre critique qui dit que parce qu’il n’y a pas d’obligations ni de directives strictes pour révéler ces risques, tout cela finit par être utilisé presque comme une sorte d’écoblanchiment parce qu’il n’y en a pas. On profite donc de cette situation pour faire une surreprésentation des efforts que l’on fait, mais personne ne peut les valider.

Notre projet de loi va tout à fait dans la direction de la divulgation des risques climatiques, mais il va bien au-delà de cela, parce qu’il faut que les entités prouvent que leurs efforts sont alignés sur les engagements climatiques. Pour cela, il ne faut pas seulement révéler les risques, il faut aussi donner des solutions. La divulgation et les solutions deviennent obligatoires avec notre projet de loi.

L’honorable Clément Gignac : Sénatrice Galvez, je vais faire miennes les remarques de la sénatrice Miville-Dechêne pour vous féliciter de votre beau travail. Comme l’ex-gouverneur de la Banque du Canada et gouverneur de la Banque d’Angleterre l’a mentionné, cette transition énergétique ne pourrait pas se matérialiser ni réussir sans que le secteur financier soit mis à contribution de façon importante.

Vous avez fait allusion au fait que trois comités pourraient être interpellés. Je crois comprendre, en examinant les procédures de la Chambre, que ce sont les leaders qui se pencheront sur cette question. Ne croyez-vous pas que ce travail devrait être confié plutôt au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce? Je le dis en toute neutralité, étant donné que j’ai le privilège de siéger à la fois au Comité sénatorial permanent des finances nationales, au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Vous parlez de modifier la Loi sur les institutions financières et modifiant le système d’assurance-dépôts; on a évoqué plusieurs lois qui interpellent le secteur financier. Avez-vous une opinion à ce sujet pour ce qui est des comités, puisqu’on sait que ce sont les leaders qui prendront les décisions et détermineront quels comités devraient étudier votre projet de loi?

La sénatrice Galvez : Je ne sais pas si vous suivez les nouvelles sur le budget, mais la question des finances durables est un élément du budget. C’est intéressant, et je veux mentionner qu’aux dernières élections, plusieurs des plateformes des partis politiques avaient des éléments de finance durable à développer. C’est donc très intéressant.

Ultimement, c’est vrai que ce projet de loi peut intéresser les trois comités que j’ai mentionnés, mais évidemment, comme vous l’avez dit vous-même, ce n’est pas une décision qui me revient. Tout le monde parlera avec son facilitateur ou son leader et finalement, ce sont eux qui décideront, mais assurément, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le Comité sénatorial permanent des finances nationales sont les deux comités...

L’autre raison pour laquelle je peux dire cela, c’est que notre projet de loi est agnostique en ce qui a trait aux technologies; il ne dit pas d’utiliser cette technologie ou de ne pas l’utiliser. Nous demandons aux entités de nous montrer les efforts qu’elles font pour arrimer leurs activités avec les engagements climatiques domestiques et internationaux du Canada, et que si elles font cette démonstration, on n’a rien à dire sur la technologie qu’elles utilisent. Je dirais que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le Comité sénatorial permanent des finances nationales sont les deux comités que je privilégierais.

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Adoption du deuxième rapport du comité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Marwah, appuyée par l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), tendant à l’adoption du deuxième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Prévisions budgétaires du Sénat pour 2022-2023, présenté au Sénat le 24 février 2022.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Adoption du premier rapport du comité

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle, tendant à l’adoption du premier rapport (provisoire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Modifications au Règlement — Président intérimaire, présenté au Sénat le 29 mars 2022.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Examen de la réglementation

Adoption du premier rapport du comité mixte

Le Sénat passe à l’étude du premier rapport du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, intitulé Travaux du comité et autres points, présenté au Sénat le 5 avril 2022.

L’honorable Yuen Pau Woo propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Retrait de la motion tendant à autoriser une modification à la Constitution (Loi sur la Saskatchewan) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale

À l’appel de la motion no32 par l’honorable Brent Cotter :

Attendu que l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée,

Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA

1.L’article 24 de la Loi sur la Saskatchewan est abrogé.

2.L’abrogation de l’article 24 est réputée remonter au 29 août 1966 et produit ses effets à partir de cette date.

Titre

3.Titre de la présente modification : Modification constitutionnelle de [année de promulgation] (Loi sur la Saskatchewan).

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que la motion no 32 soit retirée.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le préavis de motion est retiré.)

(À 18 h 20, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 26 avril 2022, à 14 heures.)

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